Adolf Nordenskiöld
Spitzbergen, Océan Arctique, Détroit de Bering, Océan Indien
Période du voyage 1878-1880. Original suédois, traduction condensée. La date de cet article est celle du retour du navire en Europe.
Environ 330 pages, plusieurs gravures et quelques cartes. Titre complet: Notre expédition au pôle Nord et la découverte du passage du Nord-Est, publié d’après les lettres et le journal de l’explorateur et les rapports des principaux membres de l’équipage par Alfred Nançon.
Le livre ne porte pas d’année de parution, mais une versions anglaise (The voyage of the Vega round Asia and Europe) date de 1881 et und version allemande (Die Umsegelung Asiens und Europa auf der Vega) date de 1882. Ces versions sont différentes de la version française, cela se voit dès le titre qui est assez irritant pour la version française. Mais cela s’explique par la structure de ce texte.
La version numérique française est un scan de la bibliothèque nationale française avec très peu de contraste et très mal à lire sur une liseuse: Notre expédition au Pôle Nord et la découverte du passage du Nord-Est. Cette version est tronquée, il manquent les dernières pages de l’arrivée en Suède.
Cadre historique
Cette expédition est à placer dans le cadre des velléités nationalistes du 19e siècle et tout le début du livre y est consacré, cela inclut la préface d’Auguste Daubrée et les premiers chapitres du texte. Il faut reconnaître que le personnage d’Adolf Nordenskiöld est spécial: il est finlandais d’expression suédoise, habitant dans la Finlande actuelle qui est alors sous la souveraineté de la Russie. Il reçoit une éducation très libérale et se heurte dès son adolescence au gouverneur général (russe) de la Finlande, le Comte de Berg (Friedrich Wilhelm von Berg). Cette rixe continuelle lui barrera la voie scientifique en Finlande et il s’exile en Allemagne et en Suède. C’est là qu’il prendra part à plusieurs expéditions vers Spitzbergen et là il aura l’idée de tenter le passage nord-est. Le premier chapitre est consacré à cette histoire personelle. On n’hésite pas à rajouter une note en bas de page (qui passe sur plusieurs pages) et montrant la généalogie noble et scientifique des Nordenskiöld. Curieusement, les versions anglaises et allemandes passent cette aspect sous silence.
Le titre de l’édition française, qui ne contient ni le nom de la Vega, ni du passage nord-est, est peut-être à voir dans le contexte général de la conquête de l’Arctique. En effet, à cette époque une multitude d’expéditions (surtout anglaises) tentent d’élucider la constitution du Pôle Nord (des théories très fantaisistes du Moyen-Âge sont encore encrées dans les têtes). L’expédition de la Jeannette au Pôle Nord est à voir dans le même cadre, elle avait vraiment ce but et échoua, bien qu’elle partit une année après Nordenskiöld. Aucune de ces expéditions en bateau arrivera au pôle, mais toutes apporteront leur pierre à l’édifice de la connaissance scientifiquement fondée des régions polaires.
Poids commercial de l’expédition
Contrairement à la plupart des autres expéditions de cette ère, Nordenskiöld déclare ouvertement que c’est une entreprise commerciale avec le but d’ouvrir une voie navigable entre l’Europe et les grands fleuves de Sibérie d’un côté et le Pacifique de l’autre. L’expédition est au départ composé de quatre navires dont deux sont destinés à remonter le Ienisseï pour charger des peaux et du suif qui sera ramené en Europe.
Il relaye les buts scientifiques au deuxième rang, on se livrera à ces expériences que lorsque le temps sera disponible. Il le sera, car Nordenskiöld sera obligé d’hiverner peu avant d’avoir rejoint le Pacifique. Le but d’ouvrir une relation maritime commerciale était à l’époque un peu moins hardie que de nos jours. Les européens espéraient importer du minerai (qui resterait à découvrir) et du bois. Les russes pensaient mieux exploiter ces terres du nord, ce principalement en étendant leur zone d’imposition plus loin vers l’orient. Ces deux visions n’harmonisant pas spécialement, la voie navigable ouverte par Nordenskiöld n’est pas devenu un axe commercial majeur. Même de nos jours, la nouvelle Route de la Soie que la Chine tente d’ouvrir, passe par la terre et les mers du sud.
Qualité du matériel et l’équipage
L’Expédition Vega est à ranger dans les expéditions modernes du point de vue organisation et matériel. En effet, on choisit un navire adéquat et on s’équipe de vivres pour la double durée du périple prévu (y compris des anti-scorbutiques). Pour le choix des membres d’équipages, Nordenskiöld choisit un modèle ancien basé sur une majorité de marins gradés (donc des militaires) et des simples matelots et pêcheurs. Nansen par exemple veilla à embarquer une majorité de jeunes scientifiques avec des qualités de marins et à tenir le nombre total assez bas, tout ceci pour garantir une harmonie sociale durant les longs temps en milieu restreint.
Structure du récit
Le livre est plus difficile à lire que par exemple ceux de Nansen. D’une part, le but partagé entre vitesse et exploration scientifique se retrouve dans le récit, d’autre part, la patrie pseudo-scientifique est assez importante. À chaque court arrêt sont détaillé des types d’algues draguées et de lichens identifiés avec leurs noms latins. Les autres auteurs différencient clairement entre le récit du voyage et les travaux scientifiques. Ces derniers sont normalement très réduits (et publiés dans des volumes à part).
Il faut reconnaître qu’il ne s’agit pas d’un livre écrit par Nordenskiöld lui-même, c’est un recueil de lettres envoyés à son mécène Dickson et de rapports écrits des différents membres de l’équipage. Le livre suit le voyage et il est entrecoupé par les des lettres ou rapports imprimés tels quels. Ainsi le texte change entre la première personne et la troisième personne. La première édition du livre paraît lorsque Nordenskiöld rentre en Suède, ainsi la carte de sa route ne contient pas la partie du retour. Ces circonstances sont sans doute la cause que ce livre n’a pas eu autant de succès que d’autres.
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