Elias Haffter
Tour du Monde
Date du voyage 1883. Paru en feuilleton dans un journal suisse dans la même année et recueilli sous forme de livre dès 1885. La date de cet article est approximativement celle du retour de l’auteur en Europe.
Récit de voyage en paquebot, environ 320 pages, aucune illustration. Titre complet en allemand: « Briefe aus dem Fernen Osten von E. Haffter ». Il ne semble pas exister de versions en d’autres langues que allemand.
André n’a trouvé que deux versions numériques: Briefe aus dem Fernen Osten paru 1885 (19 chapitres) et Briefe aus dem Fernen Osten paru 1888 (21 chapitres). Les deux sont tronqués: à la première manquent le chapitre du retour par l’Amérique du Nord, à la deuxième manque une ou deux pages qui traitent probablement de l’embarquement à New York pour Hambourg ou Amsterdam. Les deux versions sont scannés dans des livres imprimés en police Fraktur (écriture gothique allemande) qui n’est pas aisée à lire.
Il s’agit d’un tour du monde sur des navires de ligne de l’ouest vers l’est. La période de voyage tombe dans une époque où il y a un trafic maritime régulier entre l’Europe et l’Indonésie d’un côté et entre l’Amérique du Nord et l’Europe de l’autre côté. Le Canal de Suez est ouvert depuis quelques années et sur la route Marseille, Suez, Aden, Sri Lanka, Singapour, Java se croisent des navires anglais, néerlandais et français. Pour les passages de Java vers le Japon, les liaisons se font plus rares et entre le Japon et San Francisco, il faut attendre son passage durant quelques semaines.
Elias Haffter fait aussi des excursions dans l’arrière pays dans les stations où il passe entre quelques jours et quelques semaines. À Aden, il va voir l’ancien village sur une mule comme Junghuhn en 1848. À Java (Batavia), il profite de liaisons locales récemment mises en place (navires, chemins de fer en construction). Souvent, il ne fait qu’explorer les envions avec des compatriotes suisses installés sur place, mais il se lance aussi seul dans des expéditions osées comme au fond du cratère du volcan Tangkuban Parahu (Tangkuban Prau).
Comme les Lettres septentrionales rédigées une quinzaine d’années plus tard, il s’agit de lettres-feuilletons parus dans un journal local suisse. Comme cet autre livre, il est agencé en deux parties: la version « en direct » par lettres envoyés au journal et parues une à deux semaines plus tard et la partie rédigé au retour traitant plus en détail certains chapitres et couvrant justement le retour par le Japon. Il n’y a aucune illustration, pourtant la première partie a un effet « instagram »: le récit léger décrit longuement les scènes sur le bateau, l’approche des ports et les distractions possibles. L’auteur est cependant aussi un médecin, il s’intéresse à la biologie et aux sciences de la terre en général. Ces deux thèmes refont souvent surface et troublent quelque peu le ton léger du reste (ou inversement).
Dans la deuxième partie, il y a aussi des tons critiques qui n’harmonisent plus du tout avec le feuilleton de voyage. Il porte surtout sur la politique néerlandaise dans leurs colonies. Il s’enrage littéralement en comparant la colonisation anglaise en Inde et la colonisation hollandaise en Indonésie (Batavia). Ces derniers ne font qu’exploiter le pays (il nome aussi des chiffres) et extorquent les populations: la compagnie des Indes Néerlandaises monopolise tout jusqu’à la dernière plante de café dans un jardin privé. En même temps, la corruption en gros est reine. Les chinois et les néerlandais se partagent les gains et les javanais se meurent.
Elias Haffter s’énerve sérieusement quand il voit que les néerlandais ne vaccinent pas les javanais alors que la variole fait rage. Pendant ce temps à Singapour, en Inde et au Japon des campagnes de vaccination laissent apparaître une nette différence entre les cicatrices des anciens et la bonne santé des jeunes. L’auteur documente aussi la volonté de le tenir les populations autochthones idiotes et illettrées: on leur interdit d’aller à l’école même si les parents pourrait payer les cours. Ainsi les riches chinois envoient leurs enfant à l’école à Singapour.
Bien que médecin éclairé, Elias Haffter reste ancré dans la fin du 19e siècle en ce qui concerne les idées sur la progression de la civilisation et les races. Il différencie toujours les européens et les autres, il s’aventure aussi à décrire des peuples soit beaux (par exemple les javanais) soit moches (par exemple les chinois). Il loue les japonais pour leur adaptation rapide de la culture européenne, mais crique qu’ils ont « brûlé des étapes » et que cela se voit dans leur morale (il ne sont pas offensés par le nudité). Ce n’est que sur les thèmes qui touchent à ses études de médecine que transgresse un fond d’idées modernes: ainsi il critique les habits européens qui forcent le corps à s’adapter et loue les habits asiatiques où c’est l’inverse.
C’est donc un livre mitigé retraçant une époque charnière.
Ce film de 1920 recoloré peut donner une impression de la la Chine bien qu’il ait été tourné à Pékin, donc dans la ville la plus moderne du pays.
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