Après la courte excursion en Alaska, nous changeons aujourd’hui 23 juin 1996 vers une autre province: le Yukon. Il y a beaucoup de route à faire, nous nous levons donc à six heures, nous prenons un petit déjeuner hâtif dans nos chambres d’hôtel et nous nous lançons sur les pistes du nord du Canada.
Sur le Cassiar Highway
Paradoxalement, plus nous montons vers le nord, plus la météo est belle et stable. Le fait de partir en direction nord-est, donc en s’éloignant de la mer, aide sans doute aussi. Nous sommes dimanche matin, il n’y a quasiment pas de circulation en direction de Meziadin Junction. Après 70 kilomètres, nous croisons un premier semi-remorque chargé de bois. La forêt est chétive et le terrain vallonné par l’action de grands glaciers.
La route n’est pas goudronnée, mais il semble que l’on y travaille. Les ouvriers ressemblent à des apiculteurs, il portent de tels chapeaux pour se protéger des millions de moustiques qui sont actifs ici. Des ours croisent le route devant nous, avec les travailleurs, ce sont les seuls êtres vivants que nous voyons ce matin.
Nos camions sont chargés et le gravier de la route est très grossier, notre bus crève donc à l’arrière. Le changement de roue est rapide, Lemmi et André se sacrifient pour ce travail salissant. On voit sur la photo que le véhicule est complètement couvert de boue. Mais le sacrifice des deux est un peu prémédité: ainsi ils seront exempts de la corvée de nettoyage du camion à l’arrivée dans la soirée. Il nous faut 30 minutes pour le changement entier, c’est un temps respectable sachant que cela inclut la recherche des outils. Nous faisons quand même une erreur: les portes restent ouvertes lors du changement du pneu et les moustiques en profitent pour s’installer. Avant de partir, nous devons donc chasser ces bestioles.
Après le passage d’un col d’environ 600 mètres, nous arrivons dans l’Iskut River Valley. Ce vallon débouche plus loin dans un fjord, nous sommes donc à une très faible altitude. Cela rend la vue sur les montagnes enneigées des Coast Mountains (Spectrum Range) encore plus spectaculaire. Il ne se passe par grand chose ici. Nous croisons un aérodrome qui est constitué d’une piste en terre et de quelques bidons d’essence. Un peu plus loin, nous passons une zone où la forêt avait brûlée dans les années 1950 et ce n’est que maintenant dans les années 1990 que des jeunes arbres repoussent.
Nous nous arrêtons pour une pause photo dans le Kinaskan Lake Provincial Park. On ne voit ici aucune trace humaine.
En avançant vers le nord, on franchit divers cols. Au plus marquants se trouvent des cafés vendant quelques souvenirs. Les installations routières sont de plus en plus rudimentaires, les ponts ne sont plus qu’à une voie. Le col Gnat est avec 1241 mètres encore plus haut. Dès que l’on redescend, on passe près d’un autre lac. Le Dease Lake est bordé d’un petit village où nous déjeunons. Nous reconnaissons les restes de la ligne de chemin de fer qui arrivait ici de Prince George. La région est aussi marquée par le Continental Divide. Au nord d’ici, l’eau coule dans le Mackenzie River qui débouche dans l’Océan Arctique. Nous voilà donc dans le Canada sauvage: lacs, rivières, forêts, montagnes et pistes non-goudronnées.
La route n’est ici que pour l’exploitation des sols, la forêt est trop chétive. Après un col dans les Cassiar Mountains, nous arrivons à Jade City. Ici et non pas en Chine se trouve la plus grande mine de jade du monde. Plus loin, la route passe de manière rectiligne sur un plateau légèrement vallonnée. On a l’impression de décoller aux bosses. La région est verdoyante, nous sommes à une altitude de 850 mètres. C’est dans cet environnent que nous franchissons les 60° nord. Nous arrivons ainsi dans le Territoire du Yukon. On fête ça au milieu de la route puisque la circulation est quasiment inexistante. Le temps et toujours splendide. Et cela restera ainsi.
Un peu plus tard nous roulons sur l’Alaska Highway. Après la traversée du Liard River, nous arrivons à notre étape à Watson Lake
Watson Lake
Avec 1700 habitants, Watson Lake est la deuxième ville du Yukon, mais le village est très étendu et on ne reconnaît pas de centre. Sur les 483000km² du territoire vivent seulement 34000 habitants dont 27000 se trouvent dans la capitale Whitehorse. D’énormes entendues ne sont donc pas du tout habitées. Mais on trouve 150000 caribous et pas mal d’ours. Le climat est strictement continental, les températures vont de -30° à +50°C. Nous sommes ici au mois de juin et il fait effectivement très chaud.
Nous restons deux nuits dans un hôtel aux chambres très spacieuses. Ce repos est aussi nécessaire pour laver nos vêtements dans une laverie automatique.
Il y a un seul point remarquable dans la ville, c’est la forêt de panneaux. Lors de la construction de l’Alaska Highway en 1942, un soldat américain avec le mal du pays fixe ici un panneau avec le nom de sa ville d’origine (Danville). Depuis, plus de 30000 autres panneaux ont été ajoutés, on trouve forcément aussi des noms familiers. Les plus originaux sont des vrais panneaux de ville. D’autres laissent ici leurs plaques d’immatriculation.
Soleil de minuit au Wye Lake
Le lac se trouve à proximité de notre hôtel et de la forêt de panneaux. Le soir, nous y observons des papillons qui courent sur l’eau, des araignées sous l’eau. Certains dont André osent même de s’y baigner la nuit. Enfin, on dit nuit, mais le ciel reste clair. Il en ressort du lac avec une sangsue à son pied qui ne part qu’avec des coups avec le couteau suisse.
La photo du bas a été prise à 1h du matin, il ne fait pas plus sombre le reste de la nuit.
Comme nous n’avons pas de route à faire le jour suivant, nous pouvons faire la grasse matinée. Nous prenons le petit déjeuner à l’hôtel et le regrettons tout de suite. Il est cher et n’offre pas grand chose. Le reste de la matinée est consacré au nettoyage externe et interne des vans.
Lucky Lake
Le 24 juin 1996 sera notre seul jour de baignade et cela se passe au point le plus septentrional du tour, c’est paradoxal. Il fait chaud comme en été à la Côte d’Azur. L’eau n’est pas spécialement chaude, mais idéale pour se rafraîchir. Contrairement aux autres nombreux lacs, celui-ci dispose d’une plage de sable, d’un terrain de beach-volley et d’un snack. Il se trouve à quelques kilomètres à l’est de Watson Lake directement au sud de la route.
Le Lucky Lake s’est formé dans un kettle, c’est une dépression laissée par un morceau enseveli d’un glacier et qui a fondu bien plus tard que la disparition du glacier (Cordilleran Icesheets). Le sable a aussi été formé par les glaciers qui avançaient ici sur d’énormes distances en broyant complètement les rochers charriés.
Une partie du groupe descend plus tard dans l’après-midi vers le Liard River. La forêt est très sèche, on nous a dit qu’il n’a pas plus durant trois semaines et que les arbres mourront si la sécheresse continue deux autres semaines. Le Liard River charrie, paraît-il, des pépites d’or. Mais en fouillant le sable, nous sommes surtout victimes de moustiques.
L’hôtel n’a pas de climatisation, mais on peut prendre de la glace à volonté dans une machine dans le couloir. Nous en tirons le maximum pour transformer une baignoire en lac glacé pour rafraîchir nos boissons.
Le soir, on mange des pizzas de taille énorme dans la pizzeria du lieu. Le choix et limité parce que certains ingrédients manquent, mais pour finir, nous sommes tous rassasiés. Certains partent autour du Wye Lake pour une balade digestive. Cela se termine en course pour échapper aux moustiques. Comme le chemin n’est pas très clair, nous nous perdons parfois dans la forêt.
Nous finissons la journée dans le pub avec du cidre. Nous y trouvons le portier de notre hôtel qui nous conte la tristesse de la vie ici. Il y a quatre hommes pour une femme au Yukon et rien que ce chiffre le fait désespérer.
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