Après deux jours à Tafraoute, nous prenons le cap vers l’est en suivant la route le long de la frontière algérienne. Enfin, cette route ne suit pas cette frontière, elle fait des crochets assez importants vers le nord. Il y a des pistes plus directes et sans doute intéressantes, mais avec une simple voiture de location, ce n’est pas une bonne idée. De plus, cette frontière est assez bien surveillé par l’armée marocaine, en tant qu’européen il n’y a aucun problème de passer tant que l’on reste du coté marocain. Cependant, certaines pistes changent plusieurs fois le côté de la frontière (suivant les vents de sable) et pour augmenter l’embrouille, la frontière n’est que provisoire. Donc pour nous c’est un zigzag d’ouest en est dans les montagnes.
Nous voyons un premier agadir au bord de la route, mais il a l’air d’être en ruine.
On aperçoit des terrasses et des plateformes rondes. Il s’agit de grandes places dallées qui peuvent atteindre 20 mètres de diamètre. Elles servent au battage du blé: on y fait tourner un ou plusieurs ânes en rond.
Beaucoup de montagnes en pays berbère portent des ruines. Il s’agit le plus souvent des cas de restes de tours de guet ayant servi de points de messages (par fumée ou par miroirs) lors de conflits.
Notre première étape est l »agadir de Tasguent, il est accessible par une route caillouteuse partant de Tiguermine. Ce village se reconnait facilement parce que la route ne passe pas au travers, il est à gauche de la route, sur un petit talus. Il ne faut pas y entrer, une piste part de suite à droite et prend d’abord la même direction que la route goudronnée menant à Ingherm. Cependant, ça monte fort. Après trois kilomètres, on traverse le village d’Itamrar et on redescend dans une vallée sèche, l’oued est à traverser à gué quelque fois. Apres encore quatre kilomètres, on arrive à Duar Azrhar. Ici la piste tourne à gauche et des graffitis indiquent la direction de l’agadir. En 2007, il est plus prudent de laisser la voiture ici et de faire les deux kilomètres restants à pied. Désormais, la place forte est en vue et on ne peut pas la rater. Après un peu plus d’un kilomètre un sentier dallé monte vers le haut. Des enfants avertissent en général un gardien pour te guider à un prix tout à fait européen et non négociable.
Un agadir est une place forte ayant servi à garde documents et semences pour l’année prochaine. On y réunissait les pièces de valeurs de plusieurs tribus et villages berbères.
L’agadir n’est pas accessible librement. En saison, un gardien attend les visiteurs en haut. Il est aussi en haut lorsque des habitants, qui abritent toujours leurs objets de valeur dans ce grenier fortifié, veulent accéder à leurs chambres. Hors saison, il faut demander à quelqu’un dans les villages en bas d’aller chercher le guide. Dans notre cas, il nous a vu monter et il est accouru. Il n’a pas hésité à nous demander le prix fort sachant très bien qu’on n’a pas fait tout le chemin pour voir les murs extérieurs. En effet, on ne voit rien de chambres de l’extérieur. Bref, il nous a certifié que ces prix sont fixes: 50 dirhams par personne ou 20 dirhams à partir de groupes de plus de 5 personnes. Il fait cependant bien son travail et prend le temps nécessaire de tout montrer et expliquer. Mais il ne parle pas très bien français, il n’est donc pas possible de lui demander des détails ou des questions plus approfondies. Alex porte un voile pour la visite, pourtant le guide tente de rester près d’elle. C’est assez désargréable.
Les arbres poussant ici sont surtout là pour générer de l’ombre aux cultures entre l’hiver et le printemps. Les autres saisons, comme ici en automne, il fait trop sec pour faire pousser quoi que ce soit.
Sur la photo en bas:. les plateformes au premier plan sont des citernes d’eau.
Ce grenier collectif fortifié se rencontre souvent dans le sud du Maroc, dans les régions des les berbères sédentaires. Celui-ci a été construit en plusieurs parties, la partie de droite sur la photo en bas est la plus ancienne, celle de gauche la plus jeune. Une troisième partie a été rajoutée au fond de celle de droite. À l’intérieur, c’est un dédale de maisonnettes, de ponts et d’escaliers.
Un chemin dallé de pierres brutes mène au fort, il n’est pas très commode de marcher dessus. Au plus tard ici, il y a des enfants qui demanderont toutes sortes de choses. On peut leur demander si un gardien est en haut. Lord de notre passage ce n’est pas le cas, notre guide vient en courant du village à l’ouest de l’agadir.
Chaque chambre appartient à une famille ou à un clan, il y en a aussi qui étaient réservés par des villes. On y gardait grains et documents importants. L’ensemble est doté d’une cuisine, d’une mosquée, d’étables et de plusieurs citernes pour le cas où la population devrait se réfugier dans l’enceinte.
Bien que la construction soit imposante, elle n’est pas comparable aux châteaux forts européens ou chinois du Moyen-Âge. D’une part, un agadir contient des objets de valeur de toute une région (agricole) et non pas d’une seule ville. Il s’agit donc plutôt d’une banque, aussi les frais pour les chambres étaient dus en parts du grain contenu. Il y avait aussi un coût pour le retrait. D’autre part, la construction n’est pas faite pour tenir lors d’un assaut armé important, les murs sont faits de petites pierres sèches et donc faciles à démanteler.
À côté du grain, on entassait dans le grenier fortifié aussi des documents importants comme une description du droit coutumier de la population berbère. D’autres documents règlent des droits de propriété, comme ceux sur la photo. Quand on sait que les Berbères n’écrivait presque pas, on peu deviner la valeur de ces documents historiques.
Le grenier fortifié a été agrandi à deux reprises. En bas, on voit l’ancienne partie à gauche et une nouvelle enceinte avec des chambres tournées vers l’intérieur sur la droite. Les accès y sont toujours aussi aventuriers.
Ce genre de construction ne peut tenir des dizaines d’années que parce qu’il ne pleut presque jamais.
Le gardien montait sur le toit pour surveiller les alentours.
Les cours intérieures sont très hautes. Des longues fissures indiquent un besoin de rénovation. Les grandes dalles servant de marches d’accès aux chambres pointent loin dans la cour.
Bien sûr, toutes ces portes sont fermées. Chacune des 200 portes de l’agadir berbère est dotée d’un verrou avec une serrure en bois. À coté du chambranle, il y a toujours un trou dans le mur. Il faut y passer le bras avec une clé spéciale. À l’intérieur se trouve le verrou décrit. Dans le verrou, il y a des 6 ou 8 trous verticaux dans lesquels se trouvent des goupilles en bois, elles aussi. Il faut faire enter une clé en forme de brosse à dents, avec le code des goupilles à lever, dans une fente en dessous du grand verrou. Cette clé lèvera les goupilles nécessaires pour faire glisser le verrou.
Cette porte moderne prouve que cet agadir est toujours utilisé par la population locale.
Cette tour est construite sur l’ancienne étable. Les terrasses à droite abritent des citernes.
Il faut sauter d’une petite plate-forme à l’autre tout en se collant contre le mur, il ne faut pas croire que c’est une entreprise facile.
Le tour de ronde permet de surveiller l’ensemble des secteurs est, nord et ouest de l’agadir. Il est aménagé à mi-hauteur à l’extérieur du mur d’enceinte du fort.
Il est possible de retourner à pied au village de Douar Azrhar sans passer par Alma en utilisant des sentiers.
Nous continuons en direction nord-nord-est vers Igherm dans une région semi-désertique légèrement vallonnée et sans grand intérêt, pas de photos donc.
No Comments