Le grand pré en bordure de l’Artuby et au sud-ouest du village de la Martre est surtout connu pour le Pont de Madame (ou le Pont de la Serre) dans sa partie ouest. En avançant vers la gauche et en direction est, il y a en contre-bas à droite, juste après les buissons, une table de pique-nique et des panneaux d’explication. En regardant de plus près, on remarque des vieilles pièces de machines industrielles dans le pré.
On reconnaît un objet qui semble avoir fait partie d’une presse, une sorte de chaudron, un bac, une turbine, et des roues ayant servi à entraîner des courroies.
Il n’est pas clair à quoi pouvait servir le grand chaudron avec couvercle dans une scierie ou un moulin. Ce que nous interprétons comme presse ne s’explique pas plus par manque de pièces.
Le seul objet à peu près identifiable est la turbine qui est montée en travers dans un creux muré. Bien sûr, il n’y a ici pas de générateur électrique, on utilisait la force motrice directement comme on répartissait l’énergie d’une seule machine à vapeur sur plusieurs sites de production dans une fabrique. L’eau arrivait par le gros tuyau d’en haut et à droite. La turbine proprement dite semble être au centre. À droite devant se trouve la fixation principale de l’axe et au fond à gauche est la roue sur laquelle était fixé la courroie. Elle n’est pas assez large, mais apparemment, il manque un cercle métallique plus large pour supporter une courroie d’une dizaine de centimètres de largeur.
Une vieille photo est présentée sur place. Elle semble dater des années 1920 et montre un bâtiment au fond. C’est apparemment le moulin et l’habitation des familles travaillant ici. Les ruines sont encore visibles, mais leur accès est barré par risque d’écroulement. Devant se trouve le scierie ouverte et qui est couverte sur la partie droite. Les reste de la turbine se trouvent à gauche entre les peupliers.
Mais d’où venait l’eau avec assez de pression pour faire tourner un moulin et une scierie? On voit que l’arrivée d’eau de la turbine pointe en direction de la ruine et vers l’est. Ici le canal est souterrain et placé dans un gros tube en acier. Mais en avançant vers l’est du pré et en s’engageant sur le sentier de pêcheurs près de la falaise (donc sur la gauche), on passe le long d’un canal. Ici il est bien sûr regagné par la végétation et avec le temps, il est comblé de terre. On ne le voit que par courtes sections.
À la sortie des Gorges de l’Artuby, dans lesquelles on s’engage par ledit chemin, se trouve un lac. Il est retenu par un barrage artificiel de pierres accolés par la calcite précipitée de l’eau chargée en calcaire dissout. Aujourd’hui, des ronces interdisent tout passage, mais on pourrait y parvenir en avançant directement dans l’eau à partir du gué à l’est du pré. Ce lac alimentait le Canal de la Scie et du Moulin.
Le cadastre napoléonien, diverses sources écrites et la carte IGN des années 1950 donnent quelques points informatifs sur l’histoire du site.
Le cadastre napoléonien ou ancien cadastre ou plan cadastral de 1812 représente bien la situation du pré au début du 19e siècle. Le barrage et le canal sont clairement visibles. Les bâtiments en ruine aujourd’hui sont en rose au nord du canal. Les autres bâtiments sont composés du moulin à gauche et se la scierie à droite. Ces bâtiments ne se voient plus sur la photo en noir et blanc. L’île dénommée Le Gourgounaou n’existe plus sous cette forme depuis environ 1850, l’Artuby passe uniquement au nord aujourd’hui. Le canal mesure près de 300 mètres
Historiquement il y avait au niveau des bâtiments un bassin de retenue (la turbine rouillée s’y trouve actuellement). Il était suivi d’écluses répartissant l’eau à trois utilisations distinctes: la scie, le moulin et le paroir (outil à creuser le bois).
L’emplacement n’était pas idéal, le meunier et les opérateurs de la scie chômes souvent: les glaces de l’hiver, les crues très irrégulières de l’Artuby, et la sécheresse estivale en sont les causes. Dès 1701, le bois commence à manquer dans la forêt au sud du pré. On rationalise alors l’exploitation en séparant des parcelles réservés aux fermiers gérants de la scierie. En 1755 est documenté un coup de vent sur les crêtes du Brouis rendant le bois difficilement utilisable dans la scie communale. On sait que dans les années 1850 les planches produites sont essentiellement vendues et livrées vers Cannes.
La première mention de production de bois remonte à 1649, mais on estime que l’utilisation de la force de l’eau remonte au 16e siècle. L’arrêt du moulin devait avoir lieu avant 1900, la scierie a peut-être continué à travailler jusqu’à 1920.
L’Artuby au Pré du Pont de Madame
Nous restons le soir sur la partie est du pré. Après le tour dans les gorges, nous n’avons plus la force d’explorer plus en détail les restes du canal et du barrage.
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