Le camp de concentration de Bergen-Belsen

André quitte Hildesheim pour le nord. Son idée est de chercher un emplacement pour la nuit au sud-est de Brême qu’il veut visiter demain matin. Mais un bouchon sur l’autoroute et un panneau lui font changer ce plan cet après-midi du 25 août 2022.

Ce panneau pointe vers le Mémorial de Bergen-Belsen. Des routes barrées obligent à revenir à la sortie d’autoroute précédente et de suivre des longues routes secondaires à travers la lande couverte de maigres arbres et quelques pâturages.

C’est un paysage plat et désolant qui abritait un camp de travailleurs pour la construction du terrain militaire de Bergen pour finir comme un des camps de concentration les plus mal-famés. Il se trouve entre les villages de Bergen et de Belsen. Parmi les curiosités encore plus graves est une pierre erratique au portail d’un groupe industriel voisin. Il porte le signe runique du crampon (Wolfsangel) qui perpétue ici l’idéologie criminelle nazie juste à côté du camp. Elle est visible à droite à bord de la route quand on approche le camp par le sud.

Une carte de situation se trouve en bas de la page.

Stèle à l’arrivé dans l’aire de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Il présente plusieurs particularités. Après son utilisation comme camp de travailleurs, de camp d’entraînement de la Wehrmacht, puis dépôt de matériel et d’armes, il est transformé en camp d’internement de prisonniers de guerre à partir de 1940, agrandi en vue de la guerre contre l’URSS. Il est transformé en camp d’échange (1943-1944), où sont regroupés notamment des Juifs possédant une nationalité de pays neutre comme des Turcs ou des Espagnols de Salonique, des Juifs avec des papiers sud-américains, des Polonais à double nationalité, des Juifs « palestiniens », des femmes françaises de prisonniers de guerre et leurs enfants, venus de Drancy en mai et juillet 1944. En fait peu de Juifs seront libérés: 222 peuvent émigrer en Palestine, 1683 juifs hongrois peuvent gagner la Suisse. Ces échanges se font toujours contre rançon. Source: Wikipédia.

Porte d’accès au Stalag Bergen-Belsen vers 1942. Photo Collection Heinrich V.

L’axe principal du camp de concentration allemand de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

La rue principale du camp, une piste de sable de six mètres de large, a été construite en 1941 lors de l’agrandissement du camp de prisonniers de guerre. Elle s’étendait sur plus d’un kilomètre depuis l’entrée principale près de la route jusqu’aux dernières huttes de l’autre côté du camp. Elle se trouvait au centre de la zone de 70 mètres de large entre les huttes des prisonniers de guerre et celles des prisonniers des camps de concentration. Cette partie du camp contenait également des installations telles que des cuisines, des réservoirs d’eau d’incendie et des dépôts de nourriture. La rue principale était surveillée en permanence par les gardes. Les détenus du camp n’étaient autorisés à la voir que pour des missions de travail pendant la journée et devaient être accompagnés par des gardes.

L’axe principal du camp de concentration de Bergen-Belsen en avril 1945 après la libération. Photo par Sgt. Gwin

Chacune des sections de camp strictement séparées du camp de concentration de Bergen-Belsen avait sa propre place d’appel. Les SS procédaient à des appels quotidiens et par tous les temps pour compter les milliers de prisonniers. Lors de ces appels nominaux, les prisonniers devaient se mettre au garde-à-vous, généralement par rangées de cinq. Lors de l’appel du matin, les prisonniers étaient affectés à des travaux. Les appels nominaux du soir ont eu lieu après le retour des travaux au camp. Des appels nominaux supplémentaires ont également eu lieu, parfois plusieurs fois par jour, qui duraient souvent plusieurs heures, voire toute la journée. Les SS les utilisaient pour faire des annonces, donner de nouveaux ordres et punir ou torturer publiquement les prisonniers. Les nombreux appels nominaux représentaient une fatigue physique et psychologique permanente pour les détenus. Les prisonniers et les enfants particulièrement malades ou âgés avaient beaucoup de mal à rester au garde-à-vous pendant de longues périodes. Les prisonniers mouraient fréquemment lors des appels nominaux.

Place d’appel du camp de concentration de Bergen-Belsen. Dessin par Louis Asscher

Limite du camp de concentration de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

A partir de 1941, le camp de Bergen-Belsen comprend une superficie de près de 55 hectares. Il était entouré d’une clôture de fil de fer barbelé de 2,5 mètres de haut avec des poteaux en bois qui s’étendait sur près de quatre kilomètres et se composait de deux rangées dans certaines sections. L’entrée principale du camp était située près de la route de Winsen à Bergen. Le camp de prisonniers de guerre et le camp de concentration ainsi que leurs sections de camp individuelles étaient séparés les uns des autres par d’autres clôtures. Des tours de guet étaient situées le long de la clôture périphérique et à l’intérieur du camp. Des gardes armés avec des chiens patrouillaient le camp jour et nuit. Les prisonniers de guerre et les prisonniers des camps de concentration n’étaient pas autorisés à s’approcher des clôtures. Il y a peu d’informations sur les tentatives d’évasion de Bergen-Belsen. Après la libération, les troupes britanniques ont incendié toutes les cabanes en bois de l’enceinte des prisonniers pour empêcher la propagation des maladies, tandis que les bâtiments administratifs du camp sont restés debout jusque dans les années 1950.

Limite du camp de concentration de Bergen-Belsen en été 1945 après la libération

Bergen-Belsen était principalement destiné à enfermer les prisonniers de guerre russes. Mais les bourreaux d’Hitler n’ont jamais appliqué la convention de Genève qui donne des droits et des protections aux prisonniers de guerre russe et que les états prédécesseurs de l’Allemagne avaient signé en 1864. On a très vite commencé de les maltraiter par malnutrition et un manque total de soins.

Insignes de prisonniers de guerre soviétiques au camp de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Le crématorium du camp de concentration de Bergen-Belsen a probablement été mis en service en été 1943 après la détérioration des condition de vie et d’hygiène dans le camp. Le four pour l’incinération des corps était situé à l’intérieur d’un petit bois mais qui était masqué par une clôture. Les prisonniers, la plupart d’entre eux du camp des hommes, devaient ramener les corps des huttes et faire fonctionner le crématoire. Il n’y a aucune preuve concluante quant à ce qui a été fait avec les cendres. Lors des morts massives des semaines précédant la libération, le nombre de corps dépassait de loin la capacité du crématorium. Les SS firent donc brûler les corps sur de grands bûchers. Dans les derniers jours avant la libération du camp, il n’y a plus eu de feux. Lorsque le camp a été libéré, plus de 10000 corps gisaient, à la fois à l’air libre et à l’intérieur des huttes. Ces victimes ont été enterrées dans des fosses communes après la libération. Le four crématoire a été enlevé lorsque le terrain a été transformé en mémorial à l’été 1946.

Crématorium de Bergen-Belesen en avril 1945. Photo par Sgt. Gwin

Phot du bas par la compagnie britannique « No. 5 Film and Photographic Unit » après la libération le 17 avril 1945.

Four du crématoire de Bergen-Belsen après la libération. Photo par Sergeant Oakes

L’espace du camp aujourd’hui

Plan de situation du camp, du cimetière et de la gare de Bergen-Belsen

À l’époque, la surface du camp était plus grand et la gare d’arrivée (1) était toujours en dehors des limites marqués par des doubles rangées de barbelées. Aujourd’hui, les zones visitables sont encore plus réduites car le terrain d’entrainement militaire de Bergen-Hohne (2) a réoccupé beaucoup de place juste après la guerre. La zone est en fait beaucoup plus grande que marquée sur le plan, elle englobe aussi le site de visite (4) et le cimetière (3) actuel.

Quand on pénètre aujourd’hui sur l’espace de l’ancien camp de concentration, on ne voit plus aucune trace des bâtiments d’antan. Toutes les baraques et même les maisons des gardiens étaient en bois et tout à été brûlé par les libérateurs britanniques pour enrayer les épidémies rôdant dans le camp. Particulièrement le typhus à tué 14000 personnes après la libération le 15 avril 1945. Ce chiffre de 14000 est d’autant plus grave que 50000 ont été tué sous responsabilité allemande alors qu’au moins 120000 personnes ont transité dans ce camp entre 1940 et 1945.

Sur la droite se trouve une forêt avec un chemin qui semble pavé d’origine. À intervalles réguliers suivent des clairières rectangulaires. Ici se trouvaient les baraques des prisonniers et leurs cuisines. Ici est aussi morte Anne Frank.

Emplacement des baraques en bois du camp de concentration der Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

En octobre 1944, dix huttes ont été bloquées du camp de prisonniers de guerre. Environ 1000 soldats de l’Armée de l’Intérieur polonaise (Armia Krajowa) ont été logés dans ce complexe jusqu’à la mi-janvier 1945. Ils avaient combattu les occupants allemands lors de l’Insurrection de Varsovie. Près de la moitié de ces soldats étaient des femmes. La Wehrmacht a traité les prisonniers de cette armé conformément à la Convention de Genève de 1929. Cela permet aux inspecteurs du Comité international de la Croix-Rouge de visiter cette section du camp en novembre 1944. Dans leur rapport, ils critiquaient surtout l’insuffisance des rations, des médicaments et des vêtements que les prisonniers avaient reçus. Outre les prisonniers de guerre polonais, environ 3500 civils de Varsovie ont également été emmenés au camp de concentration de Bergen-Belsen à la suite de l’insurrection de Varsovie. Les fondations restantes appartenaient à une hutte dans laquelle environ 800 internés militaires italiens malades ont été hébergés entre juillet 1944 et mi-janvier 1945.

Barque numéro 198 pour officiers de l’Armia Krajowa fin 1944. Photo par Wiesław Chrzanowski

À partir de la mi-janvier 1945, les SS utilisent les huttes de l’hôpital de prisonniers de guerre dissous pour le camp de concentration et y abritent une partie du camp des femmes. Comme dans le reste du camp de concentration, toutes les huttes du camp des femmes étaient complètement surpeuplées au cours des derniers mois avant la libération. Plus de 1000 prisonniers étaient entassés dans chaque hutte. Les logements pour les prisonniers de guerre et les prisonniers des camps de concentration étaient rares à Bergen-Belsen dès le début. Souvent, la Wehrmacht et les SS ne faisaient construire plus de huttes que lorsque la capacité de celles existantes était depuis longtemps dépassée. La plupart des huttes avaient été mal assemblées à partir de bois et étaient décrépites. Les toits fuyaient, les fenêtres et les portes étaient pleines de courants d’air et de nombreuses huttes manquaient également de chauffage, de mobilier et d’éclairage.

Camp de femmes dans une baraque en bois de Bergen-Belsen le 17 avril 1945 après la libération. Photo par Sgt. Morris

Le camp n’est pas moins poignant par le manque de baraquements. On passe une fosse commune après l’autre. Il y en a 13. Sur tous ces talus se trouvent toujours les mêmes textes « Ici gisent 800 morts, avril 1945 », « Ici gisent 2500 morts, avril 1945 » et ainsi de suite. Cela n’en finit pas. Près de 13000 corps ont pu être compté et enterrés décemment sur place.

Fosse commune pour 2500 femmes, hommes et enfants tues par les nazis allemands à Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Il y aussi des talus intitulés « Ici gît un nombre inconnu de morts » quand les charniers établis par les nazis ne permettaient plus de dissocier les corps.

Fosse commune pour un nombre inconnu de femmes, hommes et enfants tues par les nazis à Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

À plusieurs endroits se trouvent des pierres tombales établis par les familles des victimes. Elles sont principalement juives.

Anne Frank à trouvée la mort à Bergen-Belsen début 1945. Son cas est documenté par des codétenues, elle est morte de faiblesse et de froid à la suite d’une infection de typhus.

Au fond à gauche se trouve une grande stèle et un mur peignant les morts injustes dans toutes les langues des victimes ayant souffert ici.

Stèles individuelles et obélisque dans le camp de concentration de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Fosse commune et obélisque dans le camp de concentration de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Obélisque et mur d’inscription de 1948 à Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Le mur contient des inscriptions en une quinzaine de langues. Le texte français est le suivant:

Ici ont été exterminés des milliers de français dont le seul crime était d’aimer la France et de ne pas partager les idées de l’envahisseur.

Le texte norvégien:

Norge merket det stend, um mannen han stupa. (La Norvège compatit, ses hommes sont morts.)

Inscription française et norvégienne au mémorial de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

L’année 1945 au pied de l’obélisque du mémorial de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Halle du silence à Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Le cimetière russe Hösten à Bergen-Belsen

Bien plus loin au fond de la forêt et accessible seulement après une marche d’une vingtaine de minutes se trouve le cimetière russe. Des stèles régulières marquent ici aussi des fosses communes. On trouve bien moins de pierres tombales individuelles. Ce cimetière à été remanié plusieurs fois après la libération.

Le 22 juin 1941, la campagne d’extermination de l’État nazi contre l’Union soviétique, connue sous le nom d’Opération Barbarossa, a commencé. La mort de millions de personnes et de soldats soviétiques avait été planifiée dès le début. La Wehrmacht a fait prisonniers les Soviétiques au mépris de la Convention de Genève. Ainsi sont morts deux millions de personnes de faim et de maladie dès le printemps 1942. Dans la lande de Lunebourg, la Wehrmacht a mis en place trois camps de prisonniers de guerre exclusivement pour les prisonniers de guerre soviétiques: le camp principal (Stalag) XI C (311) Bergen-Belsen, le Stalag XI D (321) Oerbke et Stalag X D (310) Wietzendorf. Des prisonniers de guerre d’autres nationalités étaient également logés au Stalag XI B Fallingbostel.

La dysenterie sévissait dans le Stalag XI C (311) Bergen-Belsen depuis août 1941, et pendant les mois d’hiver 1941/42, il y a une mortalité massive due à une alimentation complètement inadéquate et à de mauvaises conditions d’hygiène. Une épidémie de typhus commence aussi. Au printemps 1942, environ 14000 prisonniers de guerre soviétiques étaient morts, d’abord enterrés dans des fosses individuelles puis dans des fosses communes du cimetière situé à environ 600 mètres du camp. Il était initialement prévu pour 1000 tombes individuelles.

En 1943, le Stalag XI C (311) Bergen-Belsen a été fermé et des parties du camp ont été remises aux SS, qui y ont installé le camp d’échange Bergen-Belsen. La moitié nord du camp, dans laquelle se trouvait dès le départ un hôpital pour prisonniers de guerre, a été reprise par le Stalag XI B Fallingbostel. Il reste sous l’administration de la Wehrmacht (Camp annexe de Bergen-Belsen) et devint l’hôpital central pour les prisonniers de guerre soviétiques de la région. En janvier 1945, le Camp annexe de Bergen-Belsen est également fermé et les prisonniers sont transférés dans d’autres camps de prisonniers de guerre.

Au moins 19580 prisonniers de guerre soviétiques morts dans le camp de Bergen-Belsen entre 1941 et 1945 reposent dans des fosses communes au cimetière de Hörsten. Au moins 30000 autres personnes sont mortes dans les cimetières des camps de prisonniers de guerre d’Oerbke et de Wietzendorf.

Des détachements de travail gardés par des soldats transportaient les corps sur des charrettes jusqu’au cimetière par un chemin sablonneux. Les prisonniers affaiblis devaient se reposer plusieurs fois en cours de route. Au cimetière, les morts étaient enterrés sans cérémonie et, à quelques exceptions près, dans des fosses communes. La Wehrmacht a conservé des enregistrements de leurs données personnelles et de l’emplacement de leurs tombes.

Prisonniers russes tirant une charrette avec des cadavres à Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Stèle marquant une fosse commune du cimetière russe à Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

La stèle ci-bas commémore Chinka Vladimir Andrevitch (22.08.1914 à 03.11.1941) mort en tant que prisonnier de guerre russe à Bergen-Belsen. La stèle a été érigée par son fils.

Tombe individuelle russe pour Чинка Владимир Андреевич à Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Le monument commémoratif principal au cimetière russe porte cette inscription: « Hier sind begraben 50000 sowjetische Kriegsgefangene zu Tode gequält in deutsch-faschistischer Gefangenschaft » (Ici sont enterrés 50000 prisonniers de guerre soviétiques torturés à mort en captivité germano-fasciste »). Il porte le nom de « Pleureuse ».

Au moins 9 prisonniers de guerre polonais sont enterrés dans le cimetière. Une simple croix avec une plaque en forme de plaque militaire d’identification orne la tombe commune. Le texte: « Ici reposent huit prisonniers de guerre polonais: Dr. Stanisław Pobłocki, né le 14 février 1890 à Linia, décédé le 11 janvier 1942, Dr. Roman Bilnik, né le 28 janvier 1891 à Zawiercie, décédé le 25 janvier 1942 et six morts dont les noms ne sont connus que de Dieu. » Texte polonais: « Tu spoczywa osmiu polskich jenców wojennych: Dr. Stanislaw Pobłocki, * 14.02.1890 so Linia, † 11.01.1942, Dr. Roman Bilnik, * 28.01.1891 w Zawicrcin, † 25.01.1942. Nazwiska szegciu znane tylko Bogo. »

La tombe d’Elzbieta Glazowska est la seule tombe qui porte son nom. Elle est morte en tant que prisonnière de guerre polonaise dans le camp de Bergen-Belsen.

Une grande partie des noms des morts est connue et une action conjointe avec les écoles de la région tente de leur rendre honneur en les nommant sur des plaques de terre cuite. Ces noms sont cependant en lettres latines, ce qui n’est pas bien adapté aux noms russes d’origine.

Projet noms sur tuiles de terre cuite sur le cimetière russe de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Depuis les années 1990, de nombreux dossiers personnels que la Wehrmacht avait créés pour les prisonniers de guerre soviétiques ont été retrouvés dans les archives des États successeurs de l’Union soviétique. Cela s’applique également à une grande partie des près de 20000 personnes décédées dans le camp de prisonniers de guerre de Bergen-Belsen entre 1941 et 1945, dont la plupart ont été enterrées dans des fosses communes dans ce cimetière russe, c’est-à-dire sans marquer l’emplacement de la tombe. Sur la base des sources historiques, il est désormais possible, au moins symboliquement, de donner à ces morts leurs noms et donc leur identité et leur dignité. Depuis 2007, des jeunes de toute la Basse-Saxe fabriquent des briques d’argile avec les noms et les dates de la vie des victimes dans leurs écoles. À l’aide de reproductions de fiches traditionnelles, les élèves abordent également des destins individuels sélectionnés. Lors d’une visite ultérieure au mémorial de Bergen-Belsen, ils placent ensuite leurs briques dans des cadres métalliques fabriqués par des étudiants en formation professionnelle. La participation à ce projet mémoriel se fait soit dans le cadre de semaines de projets, soit dans les matières scolaires histoire, politique, religion, valeurs et normes, allemand, russe, etc.

Le Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge e.V. est une organisation humanitaire dédiée à la tâche d’enregistrer, de préserver et de prendre soin des tombes des morts de guerre allemands à l’étranger. Sous la devise « Réconciliation sur les tombes – travailler pour la paix », le Volksbund est le seul service de sépultures de guerre au monde à gérer ses propres travaux de jeunesse et scolaires. En commençant par les tombes des victimes de la guerre et de la tyrannie, les jeunes apprennent avec les projets du Volksbund que la liberté d’expression, la protection des droits de l’homme, la démocratie et la paix ne vont pas de soi, mais exigent l’engagement de chacun.

L’Arbeitsgemeinschaft (AG) Bergen-Belsen e.V. a été constituée en mars 1985 dans le but de promouvoir le développement du Mémorial de Bergen-Belsen et de le soutenir dans ses activités. Cela comprend, entre autres, la conception d’événements commémoratifs (par exemple sur l’ancienne rampe de chargement), la préparation de matériel d’information, l’aide financière aux survivants nécessiteux du prisonnier de guerre ou du camp de concentration et l’organisation de conférences de témoins oculaires et de projets pour les jeunes. De plus, l’AG propose régulièrement des voyages d’études dans d’autres lieux de persécution nazie.

Noms sur tuiles de terre cuite sur le cimetière russe de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le cimetière a été remanié à plusieurs reprises. L’entrée a été déplacée, les tombes individuelles existantes ont été regroupées en tumulus et le mémorial a été déplacé loin en arrière. Là, le relief en marbre a été détruit par le vandalisme. Le mémorial a ensuite été érigé à l’emplacement actuel avec une réplique de « La Pleureuse » dont l’original a été reconstitué pour l’exposition au centre de documentation.

Le cimetière de soldats italiens se trouvait aussi près du cimetière russe dans la forêt et loin du camp. Il a été déplacé en 1957 au cimetière Hamburg-Öjendorf.

Le centre de documentation

Couloir de sortie du musée de Bergen-Belsen vers le mémorial extérieur. Photo © André M. Winter

À droite de l’accès au mémorial en plein air se trouve le centre de documentation de 2007. Il y a deux grands bâtiments, l’accueil et au fond la grande salle contenant quelques pièces du camp, des documents d’origine et des photographies poignantes. On peut aussi y pénétrer par l’arrière quand on revient de l’espace extérieur.

Axe principal du musée de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Comme indiqué plus haut, le camp à été brûlé fin avril 1945. On n’a donc trouvé que quelques assiettes brisées, des pots et du fil de fer barbelé.

Restes de la clôture extérieure de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Jarre de porcelaine de la marque Tielsch-Altwasser de 1942 avec croix gammée. Photo © André M. Winter

Pot de cuisine en émail Made in Poland. Photo © André M. Winter

Ustensiles de cuisine en aluminium avec gravures de prisonniers et assiettes de la Waffen SS Lublin. Photo © André M. Winter

L’administration allemande nazie

Les documents montrent la minutie et l’absurdité de l’administration allemande. On documente tout avant de tuer.

Cartes d’enregistrement de soldats russes au Stalag de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Sur les documents d’enregistrement se trouve sur le verso:

  • En haut à gauche: Code du camp Stalag XI C (311), c’est le camp de prisonniers de guerre à Bergen-Belsen.
  • Colonne de gauche: Noms en russe et en translitération allemande approximative. Le grand R signifie « russe », on trouve aussi S et SU. Cette attribution est indépendante de la nationalité réelle des prisonniers de l’est.
  • En haut à droite: les prisonniers reçoivent à l’arrivée un numéro consécutif. À partir de ce moment, uniquement ce numéro servait à les identifier. Les prisonniers portent des petites plaquettes avec uniquement ce numéro.
  • Colonne de droite: Informations civiles et militaires. Le soldat russe sur la carte est simple soldat et paysan, vient de Riga et il est en bonne santé.
  • À droite plus bas: Nom et adresse de parents proches, c’est ici en russe en lettres latines. Cette information est certes notée, mais comme les prisonniers soviétiques ne sont pas reconnus par les nazis comme soumis à la Convention de Genève, ces parents ne sont jamais informé sur le sort de leurs proches.
  • Tout en bas: Place pour remarques de l’administration des camps. Ici ce sont les transferts entre les camps de Bergen-Belsen et Fallingbosel ainsi qu’un examen radio (Rö=Röntgen) sans résultat (o.B.=ohne Befund).

Verso de la carte d’enregistrement de Sergej Brueur au Stalag de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Le recto du document d’enregistrement contient des détails sur toute la longueur de la détention. Ce prisonnier avant était pris le 1er juillet 1941 et transféré une dernière fois le 10 janvier 1945

Recto de la carte d’enregistrement de Sergej Brueur au Stalag de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Photos d’inscription Prisonniers de guerre polonais de l’Insurrection de Varsovie

Les enregistrements ont été réalisés le 10 octobre 1944 au Stalag XI B Fallingbostel. Le prisonnier de guerre français André Matton, qui travaillait sur les dossier du camp, a ramené les négatifs chez lui après la libération et les a confiés à des archives à Auxerre. De là, ils sont ensuite arrivés à Varsovie. La majorité des photos montrent des femmes officiers (reconnaissables à la lettre O devant le matricule). La plupart des prisonniers portaient des vêtements civils. Un brassard avec les lettres AK les identifiait comme membres de l’Armia Krajowa. C’est le plus important mouvement de résistance en Pologne sous l’occupation allemande. Une liste nominative du 31 décembre 1944 permet d’identifier les prisonnières et les prisonniers. Dans la mesure où cela a pu être déterminé à partir d’autres sources, le nom de code utilisé lors du soulèvement, l’année de naissance et le grade militaire sont ajoutés. Source: Musée historique de la capitale de Varsovie Croix-Rouge polonaise, Varsovie.

  • Irina Kurakowska, née 1915, lieutenante, XI B O.1752
  • Zofia Olendska, née 1917, lieutenante, XI B O.1717
  • Zofia Berezowska, née 1919, lieutenante, XI B O.1713
  • Zofia Lasocka, née 1910, lieutenante, XI B O.1725
  • Aleksandra Akina Janicz-Baranovska, née 1904, lieutenante, XI B O.1764
  • Jadwiga Sack, née 1903, lieutenante supérieure, XI B O.1691
  • Lidia Grzezińska « Lidka », née 1912, lieutenante, XI B O.1704
  • Zofia Kluska, née 1899, lieutenante, XI B O.1721
  • Judwiga Śledzińska « Julita », née 1909, lieutenante, XI B O.1705

Photos d’enregistrement de prisonnières de l’Insurrection de Varsovie. Photos par André Matton

  • Barabara Olex-Solecka, lieutenante, XI B O.1740
  • Maria Witkowska « Isia », née 1903, XI B 1400055
  • Krystyna Sliwińska, née 1918, lieutenante, XI B O.1714
  • Helena Szokalska, née 1913, lieutenante, XI B O.1709
  • Janina Tokarska, née 1899, lieutenante, XI B O.1706
  • Felicja Pilich « Halina », née 1912, lieutenante, XI B O.1688
  • Zofia Szwoińska, née 1892, lieutenante, XI B O.1745
  • Zofia Strózik « Zofia », née 1927, XI B 140053
  • Maria Markiewicz, née 1921, lieutenante
  • Maria Bańkowska « Krzyśka », née 1920, lieutenante
  • Stanisława Paczyńska, née 1919, lieutenante
  • Izabella Nowicka, née 1924, lieutenante, XI B O.1739

Photos d’enregistrement de prisonnières de l’Insurrection de Varsovie. Photos par André Matton

  • Aniela Pokl, née 1916, lieutenante, XI B O.1724
  • Janina Zapędzowska, née 1904, lieutenante, XI B O.1728
  • Władysława Darmos « Dziunia », née le 10.09.1939, fille de Wiktoria, XI B 140054
  • Wiktoria Darmos, née 1909, lieutenante, XI B O.1774
  • Maria Szymkiewicz « Rysia », née 1908, CI B O.1744, militairement la plus haute gradée dans le camp des officiers féminins de Bergen-Belsen
  • Krystyna Szluc « Krysia », née 1924, XI B 140061
  • Kornelia Siedlecka, née 1914, lieutenante, XI B O.1716
  • Bronisława Ostrowka, née 1907, lieutenante, XI B O.1729
  • Maria Natanson « Eryka », née 1905, lieutenante, XI B O.1772
  • Aniela Procharska « Anielka » née 1911, lieutenante, XI B O.1771
  • Stanisława Stankiewicz, née 1895, lieutenante, XI B O.1768
  • Eugenia Kubin, née 1903, lieutenante, XI B O.1756
  • Kubinka Kostu (?), née 1897, lieutenante, XI B O.1748
  • Barbara Cierlińska « Stella Maria, née 1922, lieutenante, XI B O.1741
  • Janina Sosnowska, née 1908, lieutenante, XI B O.1755
  • Hanna Lubecka « Hanka, née 1921, lieutenante, XI B O.1686
  • Wanda Krajewska « Roma », née 1899, lieutenante, XI B O.1684lieutenante, XI B O.1741

Photos d’enregistrement de prisonnières de l’Insurrection de Varsovie. Photos par André Matton

  1. Jan Wojciechowski « Korab », né 1903, jesuite, prêtre, lieutenant, XI B O.1169
  2. Wiktor Sandorowski, né 1892, officier, XI B O.1168
  3. Irena Więcko-Więcka « Oleńka », née 1919, lieutenante, XI B O.1743
  4. Halina Goszezińska, née 1917, lieutenante, XI B O.1736
  5. Wanda Hajewska-Kurek, née 1911, lieutenante, XI B O.1746
  6. Anna Gollan-Batta, née 1916, lieutenante, XI B O.1750
  7. Tadeusz Boguszewski, né 1906, commandant de bataillon, XI B O.1171
  8. Bolesław Świtoniak « Kmicic II », né 1900, commandant de l’artillerie, XI B O.1175
  9. Stefania Alnelma « Ala Czakja », née 1896, lieutenante supérieure, XI B O.1763
  10. Stanisława Odlechowska, nßee 1918, lieutenante, XI B O.1770
  11. Zdzisława Bytnar « Sławka », nßee 1891, lieutenante supérieure, XI B O.1697
  12. Zofia Bindzio « Marta », née 1921, lieutenante, XI B O.1701
  13. Stanislaw Klepacz « Jesion » né 1888, colonel, XI B O.1166
  14. Tadeusz Saborowicz XI B O.1173
  15. Halina Kwiatkowska, née 1921, lieutenante, XI B O.1726
  16. Halina Markiewicz, née 1919, lieutenante, XI B O.1722
  17. Janina Iwanow, née 1920, lieutenante, XI B O.1751
  18. Jadwiga Rutkowska, née 1912, lieutenante, XI B O.1733

Photos d’enregistrement de prisonniers de l’Insurrection de Varsovie. Photos par André Matton

Arrivé d’Aimé Blanc à Bergen-Belsen

Aimé Blanc est né le 26 septembre 1923, à Lugrin Tourronde au bord français du Lac Léman. Arrêté pour fait de Résistance (membre des M.U.R./ F.T.P.), le 15 septembre 1943 à Lugrin, lors de la grande rafle de septembre, par la Gestapo bien renseignée par la Milice française, il est gardé à l’hôtel de l’Europe à Thonon jusqu’au 20 septembre, puis au fort de Montluc à Lyon, pendant 9 jours et expédié à Compiègne (matricule n°18889). Le 17 janvier 1944, il est déporté à Buchenwald (matricule n°41220), puis au camp de Dora du 10 février au 26 mars 1944, date à laquelle il est envoyé à Bergen-Belsen (n°75), où il arrive malade dans le camp des hommes. Il survit jusqu’à sa libération le 15 avril 1945 par l’armée britannique. Il est de retour en France le 23 mai 1945.

Voulant témoigner, il publie « Français n’oubliez pas ! » ouvrage réédité par le conseil général par la suite. Un extrait:

Le lendemain, 27 mars, vers quatre heures de l’après-midi, nous arrivons à Bergen-Belsen. Des camions nous conduisent sur les cinq derniers kilomètres de la gare au camp. Nous sommes les premiers prisonniers politiques arrivés à Bergen-Belsen. […] Le lendemain, nous recevons de nouveaux numéros de prisonniers. Nous n’appartenons plus à Buchenwald, mais au camp de détention de Bergen-Belsen. Mon numéro de prisonnier est le 75.

La propagande allemande nazie documente sans gène le maltraitement des prisonniers russes transportés sur des wagons ouverts à travers toute l’Allemagne en plein hiver.

Titre du journal officiel der la Wehrmacht du 5 novembre 1941 avec prisonniers soviétiques dans des wagons ouverts. Photo © André M. Winter

En bas les camps de prisonniers de guerre dans l’Allemagne nazie (Deutsches Reich) et les territoires annexés en 1941. Cette carte n’inclut pas les camps de concentration « classiques ».

Carte des camps de prisonniers de guerre en Allemagne nazie et ses territoires annexées en 1941. Photo © André M. Winter

La carte ci-bas montre Les camps et les hôpitaux militaires pour les membres de l’armée italienne. En carrés noir les camps (Stalag), en triangles noirs les camps d’officiers (Oflag), en croix rouges les hôpitaux et les points noirs sont tous des camps de travaux forcés qui dépendait du Stalag XI B Fallingbostel.

Carte incomplète des camps de travail Wehrkreis XI Hannover

Les prisonniers du camp des hommes étaient complètement à la merci de la violence arbitraire des SS. Ils ont été soumis à la négligence intentionnelle, à la faim, à la maladie et aux mauvais traitements. De nombreux prisonniers ont été assassinés. Les SS attribuaient certaines tâches et fonctions telles que Kapo (contremaître), «ancien du camp», «ancien du bloc» ou «ancien de la chambre» à des prisonniers individuels. Les prisonniers travaillaient également comme aides-soignants ou médecins. Ces postes fonctionnels étaient pour la plupart attribués à des détenus de langue allemande. Les fonctionnaires prisonniers recevaient une meilleure nourriture et des vêtements et étaient mieux logés. Leurs positions respectives leur donnaient du pouvoir sur leurs codétenus, mais leur permettaient aussi d’aider les autres. À l’été 1944, l’infirmier allemand Karl Rothe a tué au moins 200 prisonniers en leur injectant du phénol.

Photos prises dans le camp lors de son fonctionnement

Il y a plusieurs séries de photos. La première est même plus perturbante. La petite série montre des photos prises dans le camp lors de son fonctionnement vers 1942. Ces clichés montrent des détenus amaigris, aux vêtements déchirés et couverts de plaies.

Les photographies présentées ici ont été trouvée dans tout le district d’Uelzen, mais aussi dans les villes proches comme Brême ou Hambourg. Une série est conservée aux Archives nationales des États-Unis à Washington DC. Des soldats américains les retrouvèrent en avril 1945 chez le fermier S., qu’ils avaient réquisitionné comme logement provisoire. Interrogé sur les photographies, S. a déclaré qu’il avait servi dans l’une des unités territoriales du camp de prisonniers de guerre de Bergen-Belsen en 1941, mais, comme d’autres membres des escadrons de garde, avait reçu les photographies par la poste d’un expéditeur inconnu après son transfert. La deuxième série de photographies est une propriété privée. La petite-fille du fermier F. a affirmé que quelqu’un les avait secrètement mises dans la boîte aux lettres du fermier en 1942. On ne sait pas qui a distribué les photographies ni quels étaient les motifs de la distribution. Prises forcément par les gardiens et gardiennes du camp, elles ont circulé librement. Les gens à l’extérieur étaient donc pleinement conscient de ce qui s’y passait.

Cette série d’une vingtaine de photos documente macabrement le tri, le déshabillement, le transport et l’enterrement dans des fosses communes de soldats russes morts par leurs collègues soldats russes.

Convoi de prisonniers arrivant à Bergen-Belsen vers 1942. Photo Collection Otto S.

Déshabillement de morts à l’extérieur de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Déchargement de cadavres nus à l’extérieur de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Cadavres allongés à l’extérieur de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Vêtements de morts à l’extérieur de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Prisonniers russes avec une charrette de cadavres à Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Prisonniers travailleurs aux fosses communes de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Creusement de fosses communes à Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Versement de cadavres dans les fosses communes de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Enterrement de morts dans les fosses communes de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Cadavres dans les fosses communes de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Alignement de cadavres dans les fosses communes de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Détenus de Bergen-Belsen fatigues du creusement de fosses communes durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Prisonniers travailleurs russes aux fosses communes de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Trois prisonniers travailleurs russes aux fosses communes de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Un prisonnier travailleur près d’une fosse commune de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Lande de Bergen-Belsen durant l’hiver 1942. Photo Collection Otto S.

Une partie des photos trouvés chez les habitants de la région contiennent des commentaires écrits en allemand très méprisants comme « Voilà à quoi ressemble un Russe » ou « C’est ainsi que nous traitons les sous-hommes ». Ce sont aussi toutes des photos de 1942/1943.

Le mot « Lagerleben » (« vie de camp ») fait plus référence à « colonie de vacances » que camp d’internement.

Prisonniers de Bergen-Belsen en été intitulé «vie de camp»

« Entwicklung der Baukunst » (« évolution de l’art de construction ») est très désobligeant pour des constructions de fortune que les prisonniers devrait creuser dans le sable pour survivre au froid de l’hiver.

Refuges de fortune à Bergen-Belsen intitulé «évolution de l’art de construction»

La même photo intitulée  « Höhlenwohnugen » (habitations troglodytiques).

Refuges de fortune à Bergen-Belsen intitulé «habitations troglodytiques»

Homme amaigri à Bergen-Belsen

On voit bien en haut que la même photo a circulé à plusieurs exemplaires dans la région parce que l’on la retrouve avec des annotations différentes.

Le pauvre homme amaigri et à moitié dénudé est aussi maltraité verbalement dans les commentaires sur les photos. Il y en a deux versions: « Todeskandidat » (« candidat de la mort ») et « Er wollte sich wohl gerade lausen. Aber schon alles Knochen. » (« Il voulait probablement s’épouiller. Mais il est déjà tout os. »)

Homme amaigri à Bergen-Belsen avec description désobligeante à l’arrière

Mitards pour fugitifs à Bergen-Belsen

Commentaire sur le verso: « Extra Arrestzellen für Auskneifer. Hier müssen sie 3 Wochen Tag und Nach aushalten bei sehr schmaler Kost. » (« Cellules de détention pour les fugitifs repris. Ici, ils doivent endurer 3 semaines jour et nuit avec une très peu de vivres. »)

Mitards pour fugitifs à Bergen-Belsen avec description désobligeante à l’arrière

Abris de fortune à Bergen-Belsen

Les remarques désobligeantes derrière: « Hier werden Tote und halb Tote aus ihren Höhlen geholt. » (« Ici, les morts et les demi-morts sont sortis de leurs cavernes. ») Or ces abris de fortune était construits par les détenus eux-mêmes faute d’assez de logements mis à disposition.

Abris de fortune à Bergen-Belsen avec description désobligeante à l’arrière

Prisonniers devant leurs abris de fortune à Bergen-Belsen

Commentaire du verso « Juden vor ihren Höhlen » (« Juifs devant leurs cavernes »). Il s’agit probablement de prisonniers de guerre russes.

Prisonniers devant leurs abris de fortune à Bergen-Belsen avec description désobligeante à l’arrière

Documentation de fuites du camp

Description de l’évasion échouée d’Anatoliy Mosalov. C’est le militaire à gauche sur la photo prise en Juillet 1945 après la libération du Camp de Sachsenhausen.

Dans la cantine allemande, à l’insu du garde derrière la porte, j’ai réussi à découper une carte de l’Allemagne sur une carte murale. […] Nous sommes partis la nuit. Pendant la journée, nous restions dans des hangars, dans des forêts et dans des champs parmi les plantes. Nous avons mangé des baies, des champignons et parfois nous sommes montés dans des caves et des garde-manger allemands. […] Quelque part près de Braunschweig […] nous avons trouvé un transport avec des chars. […] Nous avons donc roulé vers l’est sur un char sous une bâche. Après avoir roulé jusqu’à Magdebourg sur l’Elbe, le transport de tanks a été dirigé dans une usine pour les réparer. […] Nous avons rampé sous la bâche jusqu’à un wagon à deux essieux où des prisonniers français chargeaient de la ferraille. Fedor et moi avons essayé de sortir de l’usine sur les freins de ce wagon (avec l’aide des Français), mais lors du contrôle de sortie, les Allemands nous ont remarqué et nous ont tirés de sous le wagon. Après l’interrogatoire, nous avons été enfermés quelques jours à l’usine dans une cellule avec du pain et de l’eau pour savoir d’où nous nous étions échappés et si nous n’avions tué personne en chemin. Puis nous avons été […] envoyés au camp de concentration de Sachsenhausen.

Mark Tilevich s’enfuit l’été 1943 du camp de travail de Meinkiensburg (Nienburg). Il a été repris et placé dans le camp de Kirchdorf (Duepholz). Après une autre tentative d’évasion et une autre reprise il est placé par la Gestapo de Nienburg dans le camp de concentration de Sachsenhausen. Sa photo date de 1946 lors de son service dans la zone d’occupation soviétique en Allemagne.

Sa description de l’évasion échouée du groupe est une transcription traduite d’une interview donnée en 2004:

Nous avions tout prévu. […] Il restait environ 40 minutes avant l’appel du soir. Nous savions que nous serions capables de le faire dans ces 40 minutes, et trois d’entre nous ont fui. Les trois autres ont suivi […] Tout a fonctionné comme prévu […] le train s’est mis en route. […] Nous avons atteint la gare de Lehrte. […] D’une manière ou d’une autre, nous avons réussi à arriver à Hanovre. […] Nous avons décidé que nous ne devrions pas pousser notre chance et décidons de marcher par la suite. […] Il s’est avéré que la route que nous avons empruntée était stratégiquement importante. […] Par conséquent, des sentinelles y ont été postées. […] C’est ainsi que nous avons été arrêtés. »

L’administrateur du district Nienburg a demandé de l’aide dans la recherche de six prisonniers de guerre russes évadés, dont Mark Tilevich. Lorsqu’il a été capturé, il a donné Mikhail comme prénom, car de nombreux Juifs de l’Union soviétique s’appelaient Mark.

Der Landrat des Kreises Nienburg/Weser
Pol. 901/1 – BIa.
Nienburg/Weser, den 8. Juli 1943

An den Herrn Landrat in Lübbecke.

Gend.-Grupponposten: Langendamm
Kreis: Nienburg/Weser
Reg-Bez.: Hannover.
Langendamm, den 30.6.1943

Betrifft: Entweichen von 6 russischen Kriegsgefangenen aus demLager Meinkingsburg Nr. 5147/24 X.D., Kreis Nienburg/Weser.

Am 30.6.1943, sind aus dem vorgenannten Lager 6 russische Kriegsgefangene entwichen. Die im Lager gemachten Feststellungen hatten ergeben, daß folgonde Gefangene die Flucht ergriffen hatten:

I. Basankow, Aloksei, geboren am 21.3.1922 zu Corgi; Erkennungsnummer. 5147 X D; Größe 1,65m, Haare blond, vernarbtes Gesicht.
II. Kamonski, Viktor, geboren am 28.1.1916 in Leningrad; Erkennungsnummer 7146 X.D.; Größe 1,82m, Haare blond,schlunle Figur.
III. Tilowitsch, Michail, geboren am 10.6.1922 zu Moskau; Erkennungsnummer 7583 X.D.; Größe 1,75m, schwarzes Haar, (jüdischer Typ), bekleidet mit einer langen grauen Hose.
IV. Charitonow, Alexandor, goboren am 3.1.1916 zu Tschkalow; Erkennungsnummer 8639 X.D.; Größe 1,68m, dunkelblondes Haar, graue Augen.
V. Schelpakow, Grigorj, geboren am 1.3.1921 zu Saransk; Erkennungsnummer 11281 X.D.; Größe 1,65m, dunkelblond, graue Augen.
VI. Zirkin, Jakow, geboren am 21.10.1917 zu Kolomma; Erkennungsnummer 12484 X.D.;Größe 1,58m, dunkelblond, graue Augen.

Sämtliche Gefangene trugen bei ihrer Flucht russische Uniform und hatten sich in Richtung Hannover (südöstlich) entfernt. Die Flüchtigen hatten sici am 29.6.1943, gegen 23 1/2 Uhr, aus dem Lager entferut, nachdem sie die Türen mittels Nachschlüssels geöffnet hatten. Der Gefangene Tilowitsch, Michail, war im Lager als Dolmetscher tätig, während die übrigen in den Sägewerken Plüggel, Langendamm, und Stelle Nienburg/Weser, tagsüber beschäftigt waren.

An den Herrn Landrat in Nienburg/Weser.

gez. Unterschrift. Meistor der Gendarmerie

Abschrift übersende ich zur Kenntnis und mit der Bitte um Mitfahndung.
10. Juli 1943

Traduction en français:

L’administrateur du district de Nienburg/Weser
Pol. 901/1 – Bia.
Nienburg/Weser, 8 juillet 1943

À l’administrateur du district de Lübbecke.

Poste de Gendarmerie: Langendamm
Arrondissement : Nienburg/Weser
District: Hanovre.
Langendamm, 30 juin 1943

Objet : Évasion de 6 prisonniers de guerre russes du camp Meinkingsburg n° 5147/24 X.D., district Nienburg/Weser.

Le 30 juin 1943, 6 prisonniers de guerre russes s’évadent du camp susmentionné. Les constatations faites dans le camp avaient montré que les prisonniers suivants s’étaient enfuis:

I. Basankov, Aloksei, né le 21/03/1922 à Corgi; numéro d’identification. 5147XD; Taille 1,65m, cheveux blonds, visage balafré.
II Kamonski, Viktor, né à Leningrad le 28 janvier 1916 ; numéro d’identification 7146 X.D.; Taille 1,82m, cheveux blonds, silhouette élancée.
III. Tilowitsch, Mikhail, né à Moscou le 10 juin 1922; numéro d’identification 7583 X.D.; Taille 1,75m, cheveux noirs, (type juif), porte un long pantalon gris.
IV Charitonov, Alexandror, né le 3 janvier 1916 à Chkalov ; numéro d’identification 8639 X.D.; Taille 1,68m, cheveux blond foncé, yeux gris.
V. Shelpakov, Grigorj, né le 1er mars 1921 à Saransk; numéro d’identification 11281 X.D.; Taille 1,65m, blond foncé, yeux gris.
VI. Zirkin, Jakow, né à Kolomma le 21 octobre 1917; Numéro d’identification 12484 X.D.; Taille 1,58m, blond foncé, yeux gris.

Tous les prisonniers portaient des uniformes russes lors de leur évasion et étaient partis en direction de Hanovre (sud-est). Les fugitifs avaient quitté le camp le 29 juin 1943, vers 23h30, après avoir ouvert les portes avec un double des clés. Le prisonnier Tilowitsch, Mikhail, travaillait dans le camp comme interprète, tandis que les autres travaillaient pendant la journée dans les scieries de Plüggel, Langendamm et Nienburg/Weser.

À l’administrateur du district de Nienburg/Weser.

Signé.

Maître de gendarmerie

J’envoie une copie pour votre information et avec la demande de recherche.
10 juillet 1943

Libération de juifs par les nazis contre rançon

Après le début des déportations massives de Juifs hongrois vers le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, Rerso (Rudolf) Kasztner a mené des négociations avec les SS au nom du Comité d’aide et de sauvetage basé à Budapest concernant le sauvetage des Juifs. Le 30 juin 1944, un train transportant environ 1700 Juifs de Hongrie quitte Budapest, premier geste des SS après le paiement d’une rançon. Cependant, en violation de l’accord, les SS n’ont pas emmené ces Juifs dans un pays neutre, mais les ont amenés à Bergen-Belsen. Ce n’est qu’après de nouvelles négociations qu’un premier groupe de 318 personnes est autorisé à partir pour la Suisse en août 1944. Le deuxième groupe, plus important, suivit en décembre 1944. 17 personnes restent à Bergen-Belsen.

Carte des errements du groupe Kasztner après leur libération par rançon en 1944

Carte postale du groupe Kasztner après leur arrivée à Caux en Suisse

Arrivés à Caux, les membres du groupe Kasztner sont hébergés dans deux hôtels reconvertis en camps de réfugiés. Les dirigeants des deux groupes ont remercié Rezsö Kasztner avec cette carte au nom des rescapés. Kasztner lui-même n’appartenait pas au groupe qui porte son nom. La carte a été conçue par István Irsai, l’un des prisonniers libérés. « 1685 Les Juifs sauvés dirigent leurs supplications vers le ciel, qui versera ses bénédictions sur la tête de leur Sauveur et Protecteur Exalté, que sa lumière de vie brille, notre très honoré Dr. Israël, fils de Yitzhak Kasztner. De la briqueterie de Cluj au camp d’internement de Budapest et de la vallée de la mort de Bergen-Belsen à la Suisse, il était l’ange de la providence divine risquant sa vie dans une lutte héroïque pour nous sauver du péril de la mort aux mains de notre ennemi et pour sauver des meurtriers. Que son nom soit béni et loué pour toujours et à jamais. Caux, près de Montreux, 7 mai 1945 Yitzhak Zwi Klein Chef du camp de réfugiés à [illisible] David Dov Hermann Chef du camp de réfugiés à [illisible] »

István Irsai, né en 1896 à Budapest, était graphiste et avait déjà fait des dessins dans le camp de Bergen-Belsen

Les évacuations de camps sous l’avancée des Alliés

Les armées alliées avançant de l’est et du sud-ouest, les camps sont progressivement déplacés et les prisonniers souvent forcés de marcher. La carte montre l’évacuation partielle en avril 1945. Les traits pleins sont des transferts en train, les tirets représentent des marches forcées. Les dates indiqués aux camps correspondent à la libération des prisonniers partis de Bergen-Belsen.

Carte des errements de prisonniers militaires peu avant la chute de l’Allemagne nazie

Les nazis retiennent aussi des juifs en otage pour d’éventuelles négociations avec les Alliés. Des trains errent dans le reste de l’Allemagne sous contrôle nazi et certains sont arrêtés en cours de route par les russes. Un de ceux là est le « train perdu » (« Der verlorene Zug »), il était parti de Bergen-Belsen.

La libération du camp

Le camp est libéré par les troupes britanniques et canadiennes le 15 avril 1945. La mortalité reste toutefois élevée en raison d’une épidémie de typhus que les Britanniques ne peuvent circonscrire rapidement faute de moyens et faute d’avoir perçu immédiatement l’ampleur du problème. Le camp est finalement mis en quarantaine et, le 21 mai 1945, les autorités britanniques donnent l’ordre de brûler les derniers baraquements. Les cadavres sont ensevelis dans des fosses communes. (Source: Wikipédia).

Les libérateurs sont forcés à continuer à faire des listes.

Listes de prisonniers de Bergen-Belsen

La fin de la guerre à Fallingbostel: les internés militaires italiens ont dû quitter Bergen-Belsen le 14 janvier 1945. La plupart d’entre eux ont été emmenés au camp de prisonniers de Fallingbostel. Certains d’entre eux ont été renvoyés à divers travaux après leur convalescence. Les soldats et officiers italiens restés à Fallingbostel et les autres prisonniers de guerre du camp ont été libérés le 16 avril 1945 par l’armée britannique. Pendant tout son temps en captivité, le lieutenant Vittorio Vialli a secrètement pris des photos avec son appareil photo, qu’il avait réussi à faire entrer clandestinement dans le camp. Il a également pris des photos de sa libération au camp de prisonniers de Fallingbostel et a ensuite ajouté des commentaires à ses photographies. Photographies et légendes de Vittorio Vialli, traduites de l’italien.

16 avril 1945: les minutes passent terriblement lentement, on entend un bruit de cliquetis à proximité. Les prisonniers montent sur le toit de la baraque. 10 h 30 précises  on voit les chars !

Attente de la libération du camp de Falligbostel. Photo par Vittorio Vialli

16 avril 1945: les chars se sont arrêtés sur une petite route à l’ouest du camp près de la porte. Prisonniers et civils affluent autour d’eux.

Arrivée de chars britanniques à la de la libération du camp de Falligbostel. Photo par Vittorio Vialli

16 avril 1945, 12 heures: le drapeau [italien], qui a été sauvé malgré toutes les recherches pendant nos longs mois de captivité, est hissé sur le mât du drapeau. […] C’est une fantastique journée de printemps ensoleillée et nous sommes remplis de joie.

Un drapeau italien est hissé à la libération du camp de Falligbostel. Photo par Vittorio Vialli

18 avril 1945: près du camp se trouvent trois gigantesques magasins de ravitaillement des forces allemandes […]. Ils sont remplis de tout ce que vous pouvez imaginer, notamment de la nourriture. […] Après leur libération, les anciens prisonniers ont pris ces magasins d’assaut. Russes, Polonais, Français, militaires et civils italiens tentent d’emporter les denrées convoitées : sucre, café, lard, conserves, farine etc.

Les prisonniers dévalisent un stock de vivres de l’armée allemande nazie. Photo par Vittorio Vialli

Une autre série de photos provient des libérateurs britanniques qui trouvent ici la plus grande horreur dans leur zone de libération. Certains clichés font patrie des « classiques » tristes de cette partie de l’histoire allemande.

17/18 avril 1945

Homme amaigri et souffrant à Bergen-Belsen juste après la libération du camp. Photo par Captain Malindine

17/18 avril 1945

Femmes souffrantes à Bergen-Belsen juste après la libération du camp. Photo par Captain Malindine

17/18 avril 1945

Rassemblements de cadavres après la libération du camp de Bergen-Belsen. Photo par Captain Malindine

1er au 4 mai  1945: Ce travail est effectué par des ex-détenus avec une formation de soignants sous la direction du Royal Army Medical Corps.

Épouillement dans le camp de Bergen-Belsen après la libération. Photo par Sergeant Hewitt

Les chiffres de morts prouvés dans la région de Bergen-Belsen:

  • Morts dans le camp de prisonniers de guerre de Bergen-Belsen 1940-1945
    • au moins 19580 prisonniers de guerre soviétiques
    • 142 détenus militaires italiens
    • 2 médecins polonais employés à l’hôpital des prisonniers de guerre
    • 1 soldat polonais de l’Armia Krajowa
    • 1 prisonnier de guerre français
    • 1 prisonnier de guerre serbe
  • Morts dans les camps de prisonniers Fallingbostel et Oerbke 1939-1945
    • au moins 14000 prisonniers de guerre soviétiques
    • 379 internés militaires italiens
    • 132 prisonniers de guerre français
    • 81 prisonniers de guerre yougoslaves (serbes)
    • 35 prisonniers de guerre belges
    • 28 prisonniers de guerre britanniques
    • 28 prisonniers de guerre américains
    • 25 prisonniers de guerre polonais
    • 20 prisonniers de guerre slovaques
    • 1 prisonnier de guerre canadien
    • 1 prisonnier de guerre sud-africain
    • 1 prisonnier de guerre néerlandais
  • Morts dans le camp de prisonniers de guerre de Metzendorf 1941-1945
    • au moins 16000 prisonniers de guerre soviétiques
    • 30 internés militaires italiens
    • 1 prisonnier de guerre français

Panneau allemand érigé par les libérateurs britanniques à l’entrée du camp de Bergen-Belsen

Panneau anglais érigé par les libérateurs britanniques à l’entrée du camp de Bergen-Belsen

Sortie par l’accès au musée de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

La rampe de la gare militaire de Bergen et le wagon type

Six kilomètres au nord de l’entrée actuelle au mémorial se trouve l’accès à la rampe de « déchargement » des arrivants dans le camp de Bergen Belsen. C’était une voie de la gare du camp militaire de Bergen et cette gare est toujours dans une zone militaire encore de nos jours. Pour cette raison, son accès inclut environ 600 mètres à pied. Il faut cependant penser que tous les gens amenés au camp ont du parcourir les six kilomètres à pied, peu importe la météo, leur état de santé et leur fatigue après plusieurs jours serrés dans des wagons à marchandises. D’abord sont venus les prisonniers de guerre russes. Au cours des derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, les hommes de main SS ont amené de plus en plus de prisonniers des camps de concentration dans des wagons de l’est vers la lande de Lunebourg.

Monument de la rampe de Bergen-Belsen par Almut et Hans-Jürgen Breuste. Photo © André M. Winter

Détail du monument de la rampe de Bergen-Belsen par Almut et Hans-Jürgen Breuste. Photo © André M. Winter

À l’accès routier se trouve un monument de 2007 faisant référence à la rampe plus loin. Il est difficile à interpréter. Des tiges en acier qui ressemblent à des éléments de chemin de fer sont placés en désordre dans un grand tube conique. Il a été créé par le couple d’artistes hanovriens Almut et Hans-Jürgen Breuste et inauguré ici le 26 janvier 2008.

L’objet en forme d’entonnoir de cinq mètres de haut crée une aspiration en forme de tunnel à partir duquel il semble n’y avoir aucun retour. D’énormes billettes d’acier dépassent de l’entonnoir. Ils rappellent les montagnes de cadavres du camp de concentration de Bergen-Belsen. Ces images ont fait le tour du monde après la libération du camp par les troupes britanniques en avril 1945.

Les panneaux à l’accès à la rampe sont contradictoires. L’accès est d’un côté interdit car le terrain est militaire, d’un autre côté il est autorisé pour la visite du wagon. Le parking est une large route pavée qui semble dater au moins des années 1960 si ce n’est de la seconde guerre mondiale.

Accès autorisé pour les visites de la rampe de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

On avance jusqu’à la barrière et on monte ensuite sur le talus à droite. Sur cette piste agricole, on longe le terrain ferroviaire avant de pouvoir pénétrer dans la zone délimitée autour du wagon historique.

Barrière et accès à pied à droite. Photo © André M. Winter

Piste forestière le long de la clôture de la gare militaire de Bergen. Photo © André M. Winter

La pierre erratique gravée se trouve bien avant le wagon.

L’absurdité de l’administration allemande est toujours présente de nos jours. Pourquoi utilise-t-on de l’argent pour afficher une telle information inutile?

Chronologie de l’arrivée à la rampe de Bergen-Belsen

  • 1936-1938 Construction du terrain militaire de Bergen et du camp de travailleurs sept kilomètres plus loin.
  • 1936 Construction d’une rampe de chargement.
  • 1er septembre 1939 Début de la Seconde Guerre Mondiale avec l’attaque allemande de Pologne.
  • 1940 Arrivée de prisonniers de guerre français et belges sur la rampe. Le camp de travailleurs et transformé en camp de prisionniers.
  • 1941 Environ 20000 prisonniers de guerre russes arrivent sur des wagons à charbon ouverts. 14000 meurent durant l’hiver 1941/1942 de froid, de faim et de maladies.
  • 1943 La SS installe le camp d’échange de Bergen-Belsen. Des « juifs d’échange » arrivent ici de toute l’Europe occupée. Le plan de la SS est de les échanger contre des prisonniers de guerre allemands.
  • 1944 Le camp d’échange est transformé en camp de concentration, donc en terminus pour des prisonniers hors d’état de travailler et de beaucoup prisonniers d’autres camps proches des divers fronts qui avancent de toute part sur l’Allemagne.
  • Janvier à avril 1945 Durant cette période arrivent 85000 prisonniers à Bergen-Belsen.
  • Avril 1945 Trois trains avec 6700 prisonniers sont les seuls à repartir de Bergen-Belsen, ils ne retrouvent cepandant pas tous la liberté.
  • Fin 1945 Départ de la plupart des survivants en direction de Palestine/Israël.
  • 2000 Mise sous protection de la rampe.
  • 2002 Installation d’un wagon historique.

Mémorial du souvenir de la rampe de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Que savaient les habitants à proximité du camp de concentration de Bergen-Belsen vraiment? Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux résidents ont affirmé qu’ils ne savaient rien du camp de concentration de Bergen-Belsen. Nous avons découvert que toutes ces déclarations n’étaient pas convaincantes. Nous avons rassemblé des preuves que les résidents locaux en savaient peut-être plus. L’excuse peu crédible des habitants est documenté par les comptes rendus du collaborateur Dr. Ernst von Briesen. Entre autres choses, von Briesen avait affirmé que rien n’aurait pu être remarqué car le camp de concentration était situé sur une route peu fréquenté. Cependant, de nombreux habitants rapportent qu’ils l’utilisaient assez souvent pour se rendre à la prochaine plus grande ville pour y faire des courses. Des témoignages de contemporains dans l’exposition au mémorial de Bergen-Belsen documentent ce fait. De plus, il y avait plusieurs maisons et fermes à proximité de la rampe. À notre avis, les gens ont dû remarquer quelque chose. Il est tout simplement impossible de ne pas avoir vu les personnes mourantes ou des parties du camp. Surtout compte tenu des terribles conditions qui régnaient dans le camp à la fin de la guerre. Des milliers de prisonniers ont été conduits de la rampe au camp de concentration. Au cours des recherches il a été constaté qu’il y avait beaucoup de sources qui pointaient vers l’extermination des Juifs et d’autres groupes de victimes, même si la sphère publique était strictement réglementée et les médias censurés. La question cruciale semble être de savoir si les gens étaient disposés à rassembler les informations pour disposer d’une image cohérente.

La gare militaire est en service depuis les années 1930. Aujourd’hui on s’en sert pour décharger des chars et du matériel lourd pour le camp de l’OTAN Bergen-Hohne. C’est toujours et encore zone militaire interdite d’accès et les photos sont bien sûr interdites. Rien n’a changé.

Gare militaire de Bergen. Photo © André M. Winter

Le wagon de marchandises fermé n’est pas d’origine, il n’a sans doute jamais circulé ici. Mais c’est le type de wagon qui était utilisé par les allemands nazis pour transporter les détenus. Ils sont restés en fonction longtemps après. Le modèle date des années 1930.

Wagon de marchandises type au mémorial de la rampe de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Le sol du wagon est marqué de carrés indiquant l’espace disponible par « passager » quand le maximum de 70 personnes était atteint.

Intérieur du wagon de marchandises avec marquage de la place par déporté à la rampe de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Boîte de corps de palier de l’essieu date de 1941. Elle provient de la fonderie d’acier Gustav Krautheim à Chemnitz. Cette société existe sous divers noms de 1888 à 2003

Boîte de corps de palier de l’essieu de 1941 de la fonderie Krautheim à Chemnitz. Photo © André M. Winter

Wagon de marchandises type au mémorial de la rampe de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Panneau en allemand, hébreux, anglais et russe sous la forme d’un panneau de nom de gare avec le texte « C’est la dernière station. Il n’y a aucune voie de retour. »

Panneau quadrilingue au terminus de Bergen-Belsen. Photo © André M. Winter

Dessins de Zsuzsa Merényi

Dessin du WC dans le champ de maïs. Dessin par Zsuzsa Merényi

Zsuzsa Merényi et sa sœur ont été arrêtées à Budapest le 4 décembre 1944 et emmenées à Bergen-Belsen dans un train de marchandises peu de temps après. Son transport est arrivé à la rampe le 11 décembre 1944. En tant que « juifs d’échange », ils étaient autorisés à garder leurs bagages. Zsuzsa Merényi avait sur elle un calendrier dans lequel elle faisait des petits dessins presque tous les jours. C’est ainsi qu’est né un journal en images. Ses dessins sont un document unique car il n’y a pas d’autres photos de la rampe.

Zsuzsa Merényi a déclaré dans une interview sur ses dessins en 1990 :

… et de là, nous avons été emmenés à la gare de Franz (note : gare pour les déportations à Budapest) dans la nuit et nous avons été enfermés dans les wagons. C’était encore le 4 décembre au soir et nous ne sommes arrivés à Bergen-Belsen que le 11 décembre. […] Certains se sont couchés tout de suite et certains ont dû se recroqueviller jusqu’ à  Bergen-Belsen. […] Et puis, ils se sont mis à pleurer: Comment on fait la toilette? C’était une nuit très sombre, le train avançait lentement, ma sœur dit: ici, là où je suis assise, il y a un trou dans le sol et qui a une boîte de conserve ? Et puis une boîte de petits pois a été ouverte et la boîte de petits pois était notre toilette jusqu’à Bergen-Belsen. Cela fait presque 10 jours. Et une fois de plus, les portes se sont ouvertes, vous pensiez, le 5e jour, les gens pouvaient sortir pour aller aux toilettes, et nous avons été laissés ici dans un champ de maïs.

Texte de « Peut-être que tout n’était que le début », journal du camp de concentration de Bergen-Belsen 1944 – 1945 par Hanna Lévy-Hass

Le voyage. Quelle terrible épreuve. 15 jours en wagons à bestiaux.

40 ou 60 d’entre nous dans une voiture. Hommes, femmes, vieillards et enfants. Hermétiquement enfermé, sans air, sans lumière, sans nourriture ni eau. Les gens suffoquaient dans un espace exigu: en plus de cette saleté, de la sueur, de la fumée, de la puanteur, de l’étroitesse et de la soif furieuse.

Les Allemands ont refusé d’ouvrir les voitures, pas même pour nous soulager. Seulement trois fois pendant tout le voyage, nous avons été autorisés à quitter le wagon à cette fin.

Avertissement de nuit (raid aérien). Les Allemands ont quitté le train et se sont cachés quelque part, tandis que nous étions restés enfermés dans les wagons. À l’intérieur des voitures, dans l’obscurité, des enfants pleuraient, des femmes attendaient et des hommes se disputaient un peu d’espace. Vous vouliez vous étirer et vous ne pouviez pas le faire.

Lorsque nous atteignîmes finalement notre destination, la douloureuse procession commença : Mourants, affamés, avec un dernier effort nous nous traînâmes le long de la route apparemment sans fin jusqu’au camp de Bergen-Belsen.

Large route pavée de l’accès à la gare de Bergen. Photo © André M. Winter

André quitte silencieux ce lieu qui a vu tant de personnes passer d’un train à la mort. Il savait ce qui l’attendait. Il connait cela mieux que d’autres parce qu’il a passé son service civil dans le centre de documentation de la déportation en Autriche. Il a aussi fait des cartes interactives pour le musée juif de Vienne avec tous les camps de concentration. Il en reste quand même choqué. Il arrive au raisonnement absurde que les nazis ont ici tué sans distinction. Un russe juif était simplement un russe. On le tuait quand même comme tous les autres russes.

Carte des lieux de déportations et des centres de concentration de l’Allemagne nazie. Carte © André M. Winter

Carte OpenStreetMap de Bergen-Belsen avec notre tracé GPX

Les mêmes clichés sont repris dans une vidéo de la série qui accompagne ce long voyage:

Il faut quand même continuer sur la route vers le nord, de nouveau dans la nature, dans le marais Dör’t Moor.

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