Nous sommes le 6 septembre 2022 et le jour deux sur les Îles Lofoten, on est arrivé hier. On est ici pour randonner et nous commençons par un chemin en aller-retour assez long et par mauvais temps. Cela nous met littéralement dans le bain, même s’il ne pleut pas trop. Nous restons sur l’île sur laquelle nous logeons, c’est à dire Flakstadøya. Notre but, Nusfjord, est en principe le petit fjord à l’ouest du plus grand Nappstraum.
Une route y mène directement et l’accès aux village est payant en arrivant par là. Le kiosque se trouve concrètement entre le parking et le village. Le parking lui-même est gratuit. On ne paye ici qu’en été et pas en venant à pied de Nesland.
Pour voir un peu plus du paysage, nous accédons par un fjord encore plus loin à l’ouest, le Skjelfjord dont la route nous mène finalement au village plus ou moins abandonné de Nesland. La route n’est goudronnée qu’en partie. Nesland n’est pas vraiment abandonnée. L’activité de pêche est abandonnée, les maisons en bois sont pour la plupart remis en état et servent de maisons de vacances aux locaux tout comme aux touristes étrangers. Mais c’est très paisible. Le parking n’excède pas six places. Il n’y a aucun commerce.
Le chemin des pêcheurs est un sentier qui relie le village de pêcheurs du propriétaire terrien historique à Nusfjord et le petit hameau d’Ostre Nesland. Il est probablement utilisé depuis des siècles. Il était principalement emprunté par les pêcheurs qui rentraient chez eux après avoir travaillé pendant une semaine sur les mers des Lofoten et dans les cabanes de pêcheurs du Nusfjord. Depuis le chemin on a la vue sur l’immense Vestfjord.
Nous avons besoin de cinq heures pour l’aller-retour qui fait 6 kilomètres en somme. Le sentier peut être difficile à certains endroits. Il n’est pas balisé et il y a souvent des passages parallèles. Quelques une des échelles sont pourries, mais on peut les contourner. Les problèmes d’orientation concernent surtout la partie près de Nusfjord. On reste un peu plus d’une heure à visiter Nusfjord, mais nous passons la moitie du temps dans le Landhandleriet café.
L’histoire de Nesland
Depuis des temps immémoriaux, les riches ressources halieutiques du Vestfjord ont été vitales pour les habitants des Lofoten. Parmi les plus anciennes traces de pêche figurent des cabanes de pêcheurs, rorbuer, à Nusfjord. Faits de gazon, on les connaît depuis environ 1000 ans. Ce sont probablement les prédécesseurs des cabanes de pêcheurs modernes et les habitants utilisaient probablement ces cabanes pendant la pêche saisonnière. La littérature de la saga en vieux norrois dépeint les Vikings faisant le commerce du stockfish. Le commerce de la morue séchée s’est organisé tout au long du Moyen Âge et le stockfish était à l’époque le principal produit d’exportation de la Norvège. La pêche aux Lofoten, dite « Lofot-fisket », est progressivement devenue l’épine dorsale de l’économie des pêcheurs-agriculteurs du nord de la Norvège.
Le port de Østre Nesland n’est pas abrité, mais il offre une courte distance vers lieux de pêche. C’était un avantage majeur à l’époque où les pêcheurs devaient ramer jusqu’aux lieux de pêche. Østre Nesland était donc connu comme l’un des meilleurs ports des Lofoten pour les petits bateaux. Le port est ouvert au vent et aux vagues de plusieurs directions. Quand il y avait du vent, les bateaux devaient être tirés à terre pour ne pas être brisés contre les rochers. Les gens ont commencé à vivre à Østre Nesland dans les années 1850 et l’endroit s’est transformé en un petit hameau de pêcheurs avec une usine d’huile de foie de morue, un moulin, un magasin de campagne, des cabanes de pêcheurs et une boulangerie. En plus de la pêche à la morue, la pêche au saumon est devenue importante à Ostre Nesland. Il n’y a jamais eu plus de deux familles vivant ici en permanence, mais pendant la saison de la morue des Lofoten, de nombreuses personnes sont venues ici pour la pêche, y compris jusqu’à 30 bateaux de visite avec un équipage de 130 hommes au total. Les pêcheurs logeaient dans des cabanes de pêcheurs. Au plus, il y avait 25 à 30 de ces cabines à Østre Nesland.
Une demande a été envoyée pour la construction d’un brise-lames pour protéger les bateaux dans le port non abrité. Des ingénieurs de l’Administration portuaire nationale se sont penchés sur la question et ont soumis des plans à cet effet en 1880. Cependant, l’estimation des coûts était élevée et, par conséquent, aucun financement n’a été accordé pour la construction d’un brise-lames. De nombreux endroits avaient de meilleures conditions portuaires à parfaire. Les autorités devaient établir des priorités. Les villages de pêcheurs avec la possibilité de créer des ports spacieux à un prix acceptable ont été privilégiés.
Les débarcadères en pierre que l’on voit aujourd’hui ont été construits en 1886 et 1887 par l’autorité portuaire nationale (Statens Havnevesen). Ils ont été construits à l’aide de blocs de construction taillés dans la pierre, joints avec des barres de fer et avec du ciment. Ces rampes en pierre étaient plus petits, plus simples et beaucoup moins chers qu’un brise-lames. Les rampes aident à à retenir les vagues et fournissent une certaine protection. Ils facilitaient la montée des bateaux vers la terre et ils étaient d’une grande aide lorsque les pêcheurs débarquaient leurs prises. De plus, les débarcadères et le bassin du port ont été débarrassés de gros rochers.
Dès le début des années 1900, les bateaux à moteur sont de plus en plus utilisés pour la pêche. Ces nouveaux bateaux sont trop grands pour les débarquements existants ici. De plus, ces bateaux sont plus lourds et ne peuvent pas être ramenés à terre par mauvais temps. Une courte distance jusqu’aux lieux de pêche n’est plus aussi importante, car les nouveaux bateaux motorisés peuvent rapidement emmener les pêcheurs à destination. Les pêcheurs ont rapidement commencé à privilégier les ports de pêche plus grands avec de meilleures conditions portuaires que ceux de Østre Nesland. Les demandes continues pour un brise-lames se sont avérées vaines. Dans les années 1950, les derniers poissons débarqués ici ont été ramenés à terre et la minuscule station de pêche a été progressivement abandonnée. Aujourd’hui, le lieu est caractérisé par des maisons de vacances et n’est pour la plupart habité que pendant l’été. Seules quelques cabanes d’origine subsistent aujourd’hui.
Østre Nesland est un exemple de la façon dont de mauvaises conditions portuaires peuvent inhiber la croissance et le développement. L’endroit a un port destiné aux bateaux à rames traditionnels dans un environnement typique de petit village de pêcheurs. En 2016, les rampes en pierre de Østre Nesland ont été protégés par la Direction du patrimoine culturel en tant que monument culturel national. Le gouvernement est responsable de la gestion des ports norvégiens depuis la création de l’autorité portuaire d’État en 1841. L’autorité portuaire a été fusionnée avec le service des phares et l’autorité de pilotage en 1974, formant l’autorité norvégienne de l’administration côtière. Depuis le milieu des années 1800, plus de 750 ports de pêche ont été construits en Norvège. Ceux-ci étaient de types et de tailles variés et adaptés à une variété de conditions naturelles et d’exigences technologiques en développement. Les ports ont été et sont toujours une condition préalable essentielle à la sécurité et à la rentabilité des pêcheries norvégiennes. Les monuments culturels protégés de l’administration côtière sont des sites qui ont contribué au développement de la nation côtière et terrestre de la Norvège.
Une marmite glaciaire
Une petite déviation du chemin près d’Ostre Nesland vous emmènera à des nids-de-poule, autrement connus sous le nom de marmites de géant, sur les rochers. Elle se trouve à 10 minutes de Nesland au lieu-dit Risegyrten. Nous ne faisons pas le chemin aller-retour en descente.
Passage de la vallée Skåla
Depuis Nesland, le chemin monte par le lieu-dit Klømran et se stabilise à une hauteur d’environ 50 mètres au-dessus de Risegryten. On passe la crête Brattbergan pour passer dans la vallée Skåla. À cet endroit, on a la première fois la vue plus loin à l’est. La montagne massive Nesheia marque l’entrée du Nusfjord.
Après la vallée Skåla, on peut monter sur un grand rocher arrondi pour voir mieux vers l’est.
Par temps clair, on devrait voir ici la côte norvégienne autour de Bodø au sud des Îles Lofoten.
Entre les criques de Vedvika et Kvalkeila
Sous le cirque de Vedvika se perd le chemin et il y en a plusieurs parallèles. Cela commence par une zone pierreuse, mais il faut se tenir ensuite à gauche et remonter sous des arbustes nains. On arrive dans un creux avec un ruisseau qui coule en direction de la crique Kvalkeila. Il faut le traverser et monter sous les rochers au nord du ruisseau.
De Kvalkeila vers la zone plate sous Hessura
Le passage sous le pied des falaises est aisée. Cela se complique un peu plus loin car le sentier passe sur des falaises puis dans un dédale d’éboulis de rochers de grande taille.
À partir d’ici, la pluie commence de manière plus sérieuse. Cela ne change pas grand chose à la bruine d’avant, mais la vue est de plus en plus mauvaise.
Les sécurisations sont assez aléatoires, elles ne sont pas installés de manière conséquente comme dans les Alpes. Parfois on passe à côté, et on se rend compte après que le passage plus facile était non loin à côté. L’éboulis de grand rochers est mieux à passer plus haut, mais sans passer sous les arbres nains.
Le chemin passe très bas dans la crique de Hessura. C’est ainsi que l’on finit par accumuler du dénivelé. Il faudra refaire toutes ces montées et descentes aussi dans l’autre sens.
Vue retour sur le chemin.
Contourner la baie Tennholmvika
Tennholmvika est la dernière grande baie avant Nusfjord. Elle est marquée par un rocher central formant l’île Tennholmen (ou Ternholmen). On est en vue de la baie en tournant à gauche sous Hessura.
Le chemin se divise ici plusieurs fois. On peut rester à gauche sous la paroi de la falaise et avancer vers le nord ou passer un peu plus loin à gauche entre deux petits lacs.
Au nord des lacs, les sentiers parallèles se rejoignent pour se diviser de nouveau. Les deux options sont en descente. À gauche, sous la falaise, se trouve une échelle en bois pourri qui ne tiendra sûrement plus longtemps. Il manque surtout la partie basse. Nous descendons à l’aller l’échèle parce que nous ne voyons pas l’alternative. Ce n’est vraiment pas un passage à conseiller. À droite est le nouveau chemin, non moins raide, mais sécurisé par une chaîne récente. Nous sommes remonté par cette meilleure variante au retour.
Après la descente, les deux variantes se rejoignent au nord-ouest de la baie Tennholmvika. Le chemin tourne ensuite vers l’est et passe entre les monticules avec des légères descentes et des légères remontées.
C’est le moment de la plus forte pluie. Nous ne nous couvrons pas la tête parce qu’il fait quand même trop chaud.
Ce n’est qu’au dernier moment que la descente est plus prononcée, on arrive alors au sud de Nusfjord entre les premières huttes en bois peintes de couleur rouge.
Arrivée à Nusfjord
Le chemin mène vers une crique au sud du village et de son port naturel protégé des assauts de l’Atlantique. Il faut tourner à gauche et suivre la route non goudronnée vers le nord. On passe ainsi la baie Vika avec quelques rorbuer rouges épars.
Après une dernière remontée, on arrive finalement en descente au centre de Nusfjord. Le village est construit autour de son port naturel au fond du fjord.
Le port de Nusfjord
Nusfjord n’a jamais été un village habité. C’était un port de pêche à la morue avec la particularité d’avoir un petit port naturel bien abrité au fond du fjord éponyme. Tout s’agence autour du port sous forme de grands hangars jaunes qui sont maintenant tous reconvertis. Au deuxième rang se trouvent les rorbuer rouges, dont peu sont encore des cabanes de pêcheurs. Au dernier rang, en hauteur de trouvent quelques maisons blanches d’habitation, elles sont toutes récentes. Le parking pour ceux qui n’arrivent pas comme nous, est aussi en hauteur.
Un rocher sécurisé moyennement marque l’accès sud au port.
Nous n’arrivons pas très propres. Mais ce n’est vraiment pas de notre faute.
On arrive plus ou moins directement dans le bassin du port. On en fait le tour par les hangars et nous montons sur le rocher Snøsen (à droite sur la photo ci-bas) qui protège ce port naturel.
Deux bateaux de pêche se trouvent au port. On pêche encore la morue et pour cette raison, on ne voit aucune activité de pêche commerciale aux Îles Lofoten en été. Quand des pêcheurs sortent, c’est pour amener des touristes à la pêche à la ligne.
Le navire Fuglø semble dater des années 1950. Sa coque est entièrement en bois. La superstructure et la cabine sont en acier et semblent plus récentes. Le navire est domicilié à Nusford.
Le bateau de pêche Elltor date des années 1960. Il a une coque en bois, la partie supérieure de celle-ci et la cabine sont cependant en acier et sans doute plus récentes. C’est aussi un navire avec le port d’attache Nusfjord.
Ce bateau est transformé pour mener les touristes à la pêche à ligne. La haute rambarde serait gênante pour les opérations de la pêche au gros. Le navire Fuglø n’en à qu’à l’arrière.
Bien que l’on pêche encore la morue ici, on n’en extrait plus l’huile comme autre fois. Le hangar abrite aujourd’hui un musée local gratuit.
À côté de l’ancienne usine d’huile de foie de morue se trouve le rocher le plus important de Nusfjord. Le Snøsen forme l’unique port naturel de cette portion de côte. Le fjord lui-même est ouvert vers le sud et pour les vagues de la haute mer. Le rocher Snøsen crée une poche protégé à l’ouest du fjord.
Les deux photos ci-bas montrent la situation de l’entrée port des deux côtés.
La photo en haut à droite et les deux qui suivent en bas ont été prises du rocher Snøsen. Il est plat en haut et sur ce plateau se trouve un rack de séchage de morue. On en voit dans les deux direction du court Nusfjord.
Nous revenons vers le quai en bois. L’exposition d’anciens appareils radio se trouve dans l’immeuble sous le Snøsen où l’on cuisait jadis la foie de morue.
Les morues ici sèchent sans doute depuis plusieurs saison et ne sont là que pour rappeler le passé aux touristes.
Il y a un restaurant assez cher à Nusfjord et une pizzeria, les deux sont exclus pour nous. On cuisine mieux. Mais il n’y a qu’un seul café. Il se trouve dans un hangar du port et il semble être le seul qui ne soit pas rénové massivement. C’est l’ancien magasin à tout du hameau, aujourd’hui c’est un café très simple qui sert principalement du café et des gaufres. Cet havre de paix est la bien venue pour nous, mais nous ne restons pas assez longtemps pour que nos vêtements sèchent.
Ainsi réconfortés, nous pouvons songer au chemin retour. Nous montons cependant encore au parking pour tenter d’avoir une vue d’ensemble du port et du fjord. Cela marche moyennement à cause de la végétation. Il faudrait monter plus haut vers une maison au-dessus du parking.
En revenant du parking, une jeune femme sort d’un kiosque de la route qui descend du port et nous arrête pour payer l’entrée au village. Pourtant on venait de passer en direction inverse avant. Nous insistons que nous sommes venus à pied de Nesland, nos vêtements justifiant aisément cette affirmation vraie. Elle nous laisse passer, mais nous ne savons pas si elle ne voulait pas discuter ou si le péage vaut aussi pour les randonneurs.
Pour le retour, nous ne voulons plus continuer jusqu’au sud du village. Sur la carte OSM est indiqué un sentier qui part à l’arrière de Vika. Des maisons sont en train d’être rénovés, mais nous trouvons le passage. Le sentier existe, mais il faut se faufiler entre rochers et la végétation moite. 200 mètres plus loin, on retombe sur le chemin de l’aller.
Le problème de la randonnée au Îles Lofoten n’est pas seulement la pluie. Dans les jours qui viennent, nous randonnerons aussi au soleil et le problème reste le même. Le sol est formé de granit et cette masse de rochers est couverte de cuvettes où pousse la mousse et un peu d’herbe sur une fine couche de tourbe. Ces cuvettes sont bien sûr constamment remplies d’eau. Il s’y forme une gadoue très liquide quand on y passe. Quand plusieurs personnes passent au même endroit, la végétation se disloque et on s’enfonce inlassablement d’une dizaine de centimètres. C’est pourquoi randonner avec des chaussures basses est ici tout à fait erroné.
Nous retrouvons les endroits de l’aller. Il n’y a plus de pluie au retour, nous pouvons donc voir un peu plus. Mais le ciel reste chargé.
Après les petits lacs, nous prenons un autre chemin plus près des rochers. Cela commence par un sentier d’abord facile et clair, mais celui-ci finit par se perdre quand on passe dans les rochers. On n’avance plus qu’en gardant à peu près la même direction tout en nous tenant un peu à gauche pour retomber sur le chemin. C’est amusant, mais assez casse-gueule aussi.
Le retour est plus silencieux, on avance un peu plus vite et on revient très vite au village de départ: Nesland. On finit nos dernier petits gâteaux et on rentre à la maison. On est assez crevé. Nous nous réconfortons avec des bières, un premier feu de bois et une pizza fait maison par Alex.
Demain, il doit faire plus beau, nous inspecterons une partie de la côte que nous voyons en face de notre maison: Utakleiv et Haukland.
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