Ella Maillart
Russie, Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Turkménistan
Période du voyage 1932, rédaction fin 1933, date de parution en français 1934. Original français.
Environ 380 pages, incluant photos et cartes. J’ai lu une édition allemande de 1990 parue sous le titre « Turkestan solo ». La première édition allemande date de 1941.
Il ne semble pas exister de format numérique en aucune langue. Des rééditions imprimées existent jusqu’à 2017.
Ella Maillart est une femme suisse francophone avec la bougeotte dès le début de son adolescence. Elle fait partie des grandes voyageuses célèbres ayant bravé des condition politiques, administratives, météorologiques et sanitaires sans pareil. On peut la placer à côte d’Alexandra David-Néel. Le livre décrit son second voyage en Asie.
Il est précédé d’une autobiographie non datée appelée « pourquoi je voyage », on peut penser quelle date des années 1960. Cette petite introduction inclut à la fois une vraie biographie, une rétrospective sur ses longs voyages, ses opinions sociopolitiques, mais elle aborde aussi la raison de ses voyages. Curieusement, c’est ce dernier bloc thématiques qui n’est pas concluant. Dans sa vie, elle cherche le large parce qu’elle se sent opprimée dans l’étroitesse de sa Suisse natale et la situation politique oppressante, guerrière et déprimante des années 1920 et 1930. Avec ce motif, elle se lance en mer pendant près d’une dizaine d’années avec une amie, mais quand celle-ci se marie, elle se retrouve à terre et la sensation d’étroitesse la reprend. Elle justifie son choix de partir en direction des montagnes reculés du Pamir par la recherche d’hommes et de femmes libres et pas si bornés que ceux en Europe. Il est vrai qu’au début du 20e siècle, la zone entre la Perse, l’Inde britannique, la Chine et la Russie, aujourd’hui représenté par le Tadjikistan, était quelque peu sauvage et non contrôlé par une puissance mondiale comme la Russie, la Grande-Bretagne ou la Chine.
Mais dans les années 1930, cette liberté y a disparue. La Chine contrôle mieux ses frontières, les Britanniques ont le pied en Afghanistan et la Russie communiste transforme les conquêtes coloniales des généraux tzaristes en républiques socialistes soviétiques par la classique division des moyen de production. Ainsi on force la région à produire exclusivement du coton et à importer en échange du blé produit en Sibérie occidentale. C’est bien sûr un fiasco total. On détruit les irrigations ancestrales, on pompe l’eau pour finir d’assécher la Mer d’Aral et plus concrètement, on crée une crise alimentaire et la famine parce que bien sûr le blé de Sibérie n’arrive pas en quantité suffisante. Les frontières actuelles ne sont pas encore toutes tracées et les divers courants politiques pas départagés. Toutes ces républiques ne sont pas encore mises au pas par Moscou en 1932.
Ella Maillart arrive dans ce contexte assez flou avec sa forte volonté, une bonne maitrise des langues, un passeport suisse et un appareil photo inconnu dans la région. Arrivant de Paris à Moscou et avançant de la vers Tachkent, elle doit bien sur affronter toute la bureaucratie soviétique dans une URSS où Staline est en train de bétonner son pouvoir. Mis a part la description de la vie de la région et des nomades kirghizes, ce livre est aussi en grande partie une porte ouverte sur l’Union Soviétique et comment la vie y fonctionne en détail. Il y a d’un côté des obstacles bureaucratiques doublés par le laisser-faire russe et l’inexistence de la notion du temps en Asie. Mais d’un autre côte, on trouve des moyens transports assez passables et des organisations de voyage avec des antennes locales qui sont sensés aider tout voyageur en matière de billets d’avion et de logement bon marché. Cela marche assez bien jusqu’aux centres urbains, mais pas au-delà.
Le livre contient beaucoup de volets historiques et de politique régionale, mais Ella Maillart ne tranche pas sur Staline et le communisme en général. On ne peut pas supposer une bienveillance vers cette politique notamment parce qu’elle visite aussi des dissidents exilés. On peut penser qu’il s’agit aussi d’une certaines tactique car ce n’est pas son dernier voyage dans la région. Mais elle s’accommode fort bien avec les structures.
Le titre français du livre sous-entend deux parties et on trouve effectivement deux chapitres principaux bien distincts. La première moitié concerne sont voyage à Moscou et la recherche d’un groupe avec une autorisation d’approcher la frontière chinoise. Elle tente de joindre des expéditions scientifiques, mais c’est avec deux couples d’alpinistes qu’elle arrive enfin à son but. Ses connaissances d’alpinisme et de ski l’aident beaucoup. Le caractère de la première partie est très axé sur cette expédition. Ces couples russes sont des privés qui doivent rentrer à Moscou à la fin de leurs congés. Ella Maillart reste cependant dans la région et visite les classiques de la Route de la Soie, mais pas en touriste fixés sur les monuments. La deuxième partie concerne vraiment son immersion dans la culture les les mœurs locales. Cela diffère totalement de la première partie. Une certaine lenteur s’installe, mais on comprend ainsi très bien la transformation de la société qui s’opère. Vers la fin, le livre reprend du suspense quand elle se rend en hiver à Khiva et qu’elle rentre en direction de Moscou en chameau dans la neige.
Les photos et la carte de cette page sont tirés en grande partie du livre en allemand publié en 1990 (ISBN 3-89405-121-3). Ella Maillart a léguée toute ses photos au Musée de l’Élysée à Lausanne dans les années 1990 (elle est morte en 1997). D’après la législation suisse, ces représentations tombent toujours sous le droit d’auteur. Dans la situation du legs à une institution publique, on peut penser qu’une publication en ligne sans but lucratif comme celle-ci soit autorisée. En cas d’avis contraire, nous prions les ayants droit de nous contacter pour les retirer.
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