Fritjof Nansen
Krasnoïarsk, Sakha (Yakoutie), Mer de Barents, Océan Arctique, Terre François-Joseph, Svalbarð, Tromsø
Période des voyages 1893-1896, date de parution 1897. Original norvégien, traductions allemandes et françaises complètes. La date de cet article est celle du retour de Nansen à Tromsø.
Environ 2x 500 pages, plusieurs gravures et cartes. Titre français “Vers le pôle”. Titre allemand complet: “In Nacht und Eis. Die Norwegische Polarexpedition 1893-1896”. Plusieurs versions de différentes longueurs en differentes langues. La version de base de 1897 est la plus complète.
Version numérique sous divers formats en allemand: In Nacht und Eis. Version française scannée: Vers le pôle / Fridtjof Nansen ; trad. et abrégé par Charles Rabot.
La version longue du récit est vraiment longue, surtout lors de la période où l’équipage est pris dans les glaces. Fritjof Nansen avait levé les fonds pour son expédition avec l’argumentation d’atteindre le pôle nord avec la dérive des glaces en se laissant enfermer par celles-ci au nord de la Sibérie. Il base sa théorie sur le fait que des débris de l’Expédition Jeannette (qui avait sombré plus au nord-est) avaient été retrouvés sur les côtes sud-ouest du Groenland. De plus, on retrouve régulièrement sur la face est du Groenland des troncs des forêts sibériennes et des glaces contenant des alluvions fluviales des deltas de la Sibérie. Avec ces faits, il est sûr de passer dans la bonne direction, mais il n’a aucune certitude quel chemin prendra la glace qui le tiendra prisonnier:
- Le passage par le pôle nord est souhaité, cependant on n’y connaît pas la profondeur de la mer, certains croient y trouver des rochers. Il serait fatidique que le navire, pris dans les glaces, soit raboté par des bas-fonds. De ce fait, l’équipage sonde en permanence, ne découvre cependant que des fonds vaseux et profonds.
- La dérive peut aussi bien ramener le bateau vers la rive sibérienne, ce qui n’est pas moins risqué, surtout à hauteur de la Terre François-Joseph rocheuse et aux côtes nord inconnues alors.
- Si le navire Fram suit les débris de la Jeannette, il pourrait aussi passer au nord du Groenland et y rester coincée très longtemps.
- Nansen espère que le navire pourra se libérer vers l’Atlantique Arctique entre Spitzbergen et le Groenland. Cela se passera effectivement ainsi, non sans aide active de l’équipage et du moteur à vapeur pour se libérer à temps des glaces.
Il s’agit d’une des premières expéditions modernes tirant profit de tout le progrès technique et scientifique. Le navire est construit exprès pour résister à la pression de la glace, il a une bonne isolation thermique, il est doté de vivres pour cinq années, le menu est divers et inclut des légumes et du jus de citron contre le scorbut (qui ne frappera pas l’équipage). La plupart des équipements sont disponibles en multiples versions, le moteur du navire fonctionne avec du charbon et des huiles animales (morse, phoque, ours). Il y a même l’électricité sur le navire grâce à une dynamo reliée à un “moulin” installé sur le pont et des grosses batteries. En dépit des risques pris, le bon choix de l’équipage et du matériel feront de cette expédition un succès, même si elle n’atteint pas le pôle nord. Tous les membres de l’équipage reviendront sains et saufs. Le navire servira plus tard à d’autres expéditions.
Nansen est quand même téméraire et risque gros lorsqu’il prend la décision de scinder l’expédition. Quand se rend compte que la dérive le fait passer bien loin du pôle, il part avec un seul co-équipier, des chiens et des traîneaux et donc à pied à travers la banquise. La distance est énorme et la glace est dans un état catastrophique. Après deux infructueux départs pour surcharge, il prend enfin l’assaut pour le nord. À ce moment, il est certain qu’il ne recroisera plus le navire Fram et qu’il devra rentrer à pied du pôle vers Spitzbergen. Pour cela, ils emportent des canoës construits en bambou et couverts de peaux de phoques.
Quand les deux hommes voient que le pôle reste hors d’atteinte, ils commencent à rebrousser chemin. Ils n’ont plus de nourriture pour leurs chiens et commencent à les tuer un à un. Cependant, ils oublient à un moment fatidique de remonter leurs montres, ce qui a pour conséquence qu’ils ont une incertitude de plus d’une heure pour fixer leur position est-ouest (longitude). Lorsqu’ils arrivent au bord sud de la glace, ils embarquent sur leurs frêles canoës et se dirigent vers une côte qui leur est inconnue. Ils doutent très longtemps de leur position, avancent difficilement contre le vent et les glaces qui les éloignent de terre. Leur progression est si lente, qu’ils doivent hiberner sur une île rocheuse sans aucun bois disponible. Ils construisent une hutte de pierres et la couvrent de peaux de morses gelés. Les deux compères y vivent d’ours polaires et morses tués en automne et se chauffent en brûlant leurs graisses. Ils se terrent ainsi plus de six mois avant de reprendre leur périple. Ce n’est qu’en retrouvant une station de recherche anglaise plus au sud qu’ils ont la certitude d’avoir traversée les îles de la Terre François-Joseph. Cette “terre” porte mal son nom, on croyait en effet jusqu’au passage involontaire de Nansen qu’il s’agissait d’une très grande île couverte d’une calotte glacière. Or ce n’est qu’un amas d’îles.
Pendant ce temps, le Fram dérive de manière irrégulière vers l’ouest avec le reste de l’équipage. Les journées s’y font longues, mais on se tient à un programme strict avec des sorties et des relevés journaliers. Ils ne peuvent pas faire des longues sorties sur la glace, car Nansen avait emporté tous les chiens. Un des seuls divertissements possibles fait aussi défaut: très peu d’animaux se montrent pour être chassés. Même les ours polaires restent invisibles. Ils ont cependant tous les instruments nécessaires pour déterminer leur position et lorsqu’ils voient qu’ils ont dépassé Svalbarð, ils mettent tout en œuvre pour regagner la mer libre plus au sud. Ce combat avec la glace dure plusieurs semaines, mais sera couronné de succès. Il reste un point crucial: est-ce que la navire restera à flot? Il avait été malmené par les glaces et des voies d’eau sont constamment restés actives sans qu’elles aient pu être colmatées. Mais le Fram fait bonne figure, il faut certes garder les pompes en action, mais l’équipage rentre sain et sauf à Tromsø.
Nansen avait pris un navire le ramenant à Vardø puis un autre pour rejoindre Tromsø. Les deux parties de l’équipage arrivent à quelques jours d’intervalle!
Photos récentes
Le navire a fait plusieurs autres expéditions et il est aujourd’hui exposé dans un musée dédié à Oslo.
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